Oliver nous fait revivre la finale Mazembe-Kotoko du 24.01.1971
Finale T.P Mazembe- Kotoko du 24 janvier 1971
Kinshasa vivait sous la fievre de cette finale depuis le match nul (1-1) obtenu par Englebert a Ghana deux
semaines plutot.
Une victoire d'Englebert au match retour était attendue par tout le pays et surtout par le Président Mobutu qui espérait remplacer la Coupe Kwame N'Krumah par son nom. Car, si Englebert
gagnait, c'aurait été la troisième fois qu'il aurait eu gagne cette coupe et il devait donc la garder définitivement. Ce qui expliquait l'engouement populaire et l'intérêt politique accordes a
cette finale. Elle devait être historique pour les fans et pour Mobutu.
Pour la petite histoire, Englebert n'était pas champion du Congo l'annee precedente mais avait ete impose dans edition 1970 par la FECOFA, je crois sur injonction personnelle du Président
Mobutu, dans l'espoir de voir Englebert remporter pour une troisieme fois cette coupe qu'il avait ratée l'année précédente face aux Égyptiens d'Ismailia.
La date de cette finale est le 24 janvier 1971. Cette journée nous a fortement marque, de sorte que, des annees apres, nous nous en souvenons comme si c'etait hier.
Dans toute la ville, des gens portaient des chapeaux blancs avec le slogan: "Vas-y, Englebert, le Tout Puissant". Je revois des groupes de supporters passer sur l'avenue Kasavubu a Bandal, avec
ces chapeaux blancs et le slogan ecrit en noir (les couleurs d'Englebert).
J'étais trop jeune pour me rendre au Stade Tata Raphael. J'ai donc suivi le match a la television en noir et blanc parce que la télé en couleur n'existait pas a l'epoque. Le reportage
était assure par Paul Basunga et Lucien Tshimpumpu.
Bien entendu, Mobutu etait present au stade pour cet evenement historique, accompagne de toute son equipe politique: Andre Boboliko, Prosper Madrandele, Mario Cardoso, etc.
Contrairement a ce qui est affirme dans le commentaire precedent, Kalala etait sur le terrain, a son mythique poste d'avant-centre. Kazadi était au bois, Katumba a la defense, Kalonzo au numero
10 et Tshinabu "Brinch" a l'aile gauche.
Du cote de Kotoko, de mémoire, je me souviens des noms comme Ibrahim Sunday, leur capitaine, Joe Sam, Ossei Koffi et Robert Mensah, leur gardien de presque 2 metres qui joua un rôle très
important dans ce match.
Kotoko marqua des les premières minutes, plongeant le public congolais dans un terrible émoi. Imaginez l'explosion de joie quand Tshinabu marqua le but égalisateur avant la fin de la première
partie !
Kotoko reprit l'avantage des le debut de la deuxieme periode (2-1). Les essais d'Englebert pour réaliser étaient tous stoppes par le gardien Robert Mensah. Malgre toutes ses détentes
acrobatiques, Mensah ne perdait jamais la casquette qu'il portait sur la tete.
Plus les minutes passaient, plus notre anxiété augmentait. Kotoko avait un jeu bien organise, des courtes passes précises qui leur permettaient de garder la balle plus longtemps, ce qui
enervait et stressaient davantage les joueurs d'Englebert.
Cette situation continua jusqu'à deux ou trois minutes avant la fin du match quand l'arbitre accorda le penalty qui devait nous liberer. Il faut savoir que la règle de doubler les buts
marques a l'extérieur n'existait pas encore: un 2-2 a la fin des 90 minutes aurait entraine une prolongation.
Ce qui est arrive après est un cauchemar. Il y a d'abord les protestations des Ghaneens, ensuite le refus de Kalala d'executer le penalty (on l'a vu s'eloigner du point de penalty et laisser la
balle a Tshinabu) et enfin le cirque de Robert Mensah pour destabiliser psychologiquement Tshinabu: chaque fois que ce dernier arrangeait la balle et s'eloignait pour prendre l'elan,
Mensah sortait de sa cage en courant et venait toucher la balle. Le public, suspectant un fetiche, demandait a Tshinabu d'aller rearranger la balle. Mais Mensah tenait a être le
dernier a toucher la balle avant le tir. Ce cirque de va-et-vient entre Mensah et Tshinabu dura quelques minutes jusqu'à ce que l'arbitre decida d'y mettre fin: Tshinabu arrangea la balle et
fit quelques pas en arriere. Mais pendant que Tshinabu s'eloignait, Mensah desobeit a l'arbitre et vint encore toucher la balle. Le public se mit a crier pour que Tshinabu aille toucher encore
une fois la balle (pour effacer les fetiches de Mensah) mais l'arbitre (un arabe, je crois) enjoigna a Tshinabu d'executer immediatement son tir. Ce dernier, resigne, prit son
elan. Avant meme qu'il ne tire, le public criait deja son desespoir, convaincu de l'effet malefique des mains de Mensah. Le tir de Tshinabu envoya la balle no seulement a cote mais aussi
"en l'air". Les carottes etaient cuites. C'est ainsi qu'Englebert rata son pari de remporter définitivement la Coupe Kwame N'Krumah.
On raconte que les joueursd'Englebert furent conduits au Camp Tshatshi mais on n'a jamais su ce qui s'y est passe. Ce qu'on sait, ce que le President Mobutu ne les salua pas a la fin du
match; c'est Boboliko, a l'epoque numero deux du regime, qui se chargea de decerner la Coupe d'Afrique aux vainqueurs, dans un silence de cimetiere.
Apres cette humiliation, Mobutu ne se rendit plus au Stade pour les matches, meme le jour ou son équipe cherie, Vita Club, joua pour la première fois, la finale de la Coupe
d'Afrique.(Ironiquement, Vita gagna contre le meme Kotoko, en 1973).
On apprit que l'artisan de la victoire de Kotoko sur Englebert, le gardien de but Robert Mensah, mourut poignarde par des voyous quelques mois après cette finale.
Que sont devenus les autres acteurs (congolais) de ce melodrame (Kalala, Tshinabu, Kazadi, Mukombo, Mwepu, Katumba, Kalonzo) ?
Oliver