CONGOLAIS 4.0 : PIERRE NDAYE MULAMBA… L’ARTISTE DU BALLON ROND ET LE RECORDMAN DES BUTS A LA CAN S'EST ETEINT
APRÈS nombreuses fausses informations, le recordman d’une finale de la Coupe d’Afrique des Nations de football, le Congolais Pierre NDAYE Mulamba dit Muntumbula alias Volvo, né le 4 novembre 1948 à Luluabourg, s’est finalement éteint le samedi 26 janvier 2019 en Afrique du Sud.
Un chacun racontera ce qu’il retient de ce joueur d’anthologie que fut Ndaya. Les journalistes sportifs surtout de l’époque, se souviendront surtout de ces joies suscitées par l’illustre disparu. Les Vitaclubiens et surtout l’équipe national, Les Léopards, lui reserveront sûrement un dernier hommage équivalant à sa place dans le ballon rond congolais, africain et mondial.
C’est dans la ville de Bandundu que j’avais eu la chance de le rencontrer, de l’interviewer et de le fréquenter quelque fois. Il y était venu pour prendre le job du sélectionneur régional de football à l’époque. Joueur ayant une licence de la FEZAFA moi-même, je venais alors de quitter le stade en tronquant mes crampons avec le clavier de la machine à écrire, avec ma plume et ma craie. Je n’avais donc pas eu la chance d’être entraîné par Ndaye, moi un ancien joueur de l’équipe de footbal Matiti Mabe, à l’époque du président Papa Dunia, avec comme entraineur d’abord Yvon Mbari-a-Mutendi Djim, le même qui m’initiera au journalisme et qui me laissera la direction du journal Kimpangi, avant d’avoir aussi, pour quelques temps, comme entraineur l’ancien gardien d’Imana Raphaël, dit Raph, Montonga; Matiti Mabe où j’eus comme coéquipiers Nkieri Engo Likis, Labo(ratoire), notre gardien Angwa et son frère le second gardien Voyou, notre numéro 10 Mpia Lwata dit Platini qui devint Romario lorsqu’il fut vendu au DCMP/Imana à Kinshasa, avec comme membre du comité l’ancien joueur Donat, pour ne citer que ceux-ci…
Revenons donc à Ndaye…
Oui, me dit-il, notre exploit provenait du fait que, pour nous, le football était un art. Nous jouons pour le plaisir de jouer et d’aiguayer nos supporteurs. Nous ne jouions pas pour gagner de l’argent. Nous avions un réel plaisir de faire plaisir. Le Stade du 20 mai (actuel Tata Raphaël) était notre église, notre temple… Nous y venions communier avec nos supporteurs…
Nous devons aussi saluer le travail de nos entraineurs et surtout des journalistes sportifs. Nous ne visualisions pas nombreux matchs de football internationaux, mais nous suivions des matchs avec nos radios. Mais, de la façon avec laquelle les journalistes rendaient les matchs, nous inspiraient : les feintes, les dribles, les coups, les arrêts des gardiens, nous inspiraient…
Et aussi dans les journaux, les photos, les descriptions des matchs…
Mais, nous-mêmes aussi. Nous étions et formions des équipes soudées et nous nous aimions comme des frères. Nous connaissions, un chacun, le système de jeu de l’autre. Tous savaient que lorsqu’une balle m’était lancée en chandelle que la balle terminait dans les filets adverses. Kembo, Mayanga, Lobilo, pour ne citer que les nôtres de Vita Club, nous nous connaissions nos systèmes de jeu. Puis, une fois dans les Léopards aussi : nous formions une famille : Kakoko, Kidumu, Kibonge, Mana, Kazadi, Tubilandu…
Dans un terrain de football, nous nous soutenions et faisions et savions que la victoire de l’équipe était notre victoire à tous…
1974 avec Moseka était ma consécration… Je ne bougeais pas trop. Pour ne pas trop me fatiguer. L’entraineur me l’avait demandé. Je devais être là pour marquer des buts et saisir n’importe quelle occasion offerte et servie pour marquer un but. Voilà… Ce n’était pas du hasard, j’étais un butteur avec déjà une renommée en Afrique où nous allions souvent jouer… J’étais la bête noire des défenseurs et des gardiens de but.
Des fétiches dans le football ?… Disons qu’un chacun avait sûrement son petit rien pour se protéger, nous sommes des Africains. Mais, plus, nous nous entrainions et nous aimions notre sport. Les fétiches seuls dans un terrain ne peuvent pas marquer un but, il faudra d’abord être un bon joueur et puis le reste venait…
La mauvaise expérience de Munich 1974 ?… C’était la faute des politiciens. Ces messieurs nous ont fait rater la fête ; ils étaient des voleurs… C’était une expérience terrible… Mais, nous avons tenté de sauver l’honneur avec notre dernier match contre le Brésil. Mais, pendant la mi-temps, alors que le Brésil menait par deux buts à zéro, ceux-ci nous supplièrent de les laisser marquer un troisième but, ainsi ils pouvaient passer devant l’Écosse. Comme dans l’équipe du Brésil, il y avait des noirs comme nous, nous avons fait le jeu… Bon…
La reconnaissance n’est pas de ce monde. Malgré mon record jamais égalé, je ne sais même pas ce qu’on en fait… Normalement, je devais être présent à chaque finale de la Coupe d’Afrique des Nations pour voir si quelqu’un pouvait battre mon record… Hélas… Qu’ai-je gagné avec le football ?… Tout… Mais, on était tous jeunes : vingt ans au moins… La tête tournait. Nous ne savions pas qu’il fallait aussi gérer le succès et la renommée. C’est ce qu’il faudra enseigner aux jeunes joueurs. Un joueur ne brille que pendant cinq ou dix ans tout au plus. Et après… Il nous fallait un encadrement. Il faut un vrai encadrement pour les jeunes joueurs. Les amis qui avaient décidé de rester et d’aller vivre en Europe avaient pris la bonne décision. Mais, ce n’était pas évident, nous hésitions, nous ne savions pas ce qu’il fallait faire alors.
Je crois que les journalistes, vous avez un grand rôle à jouer pour nous aider aussi. Non pas seulement parler de nous lorsque nous sommes dans des stades et que nous sommes célèbres, mais nous aider aussi à nous parler de la vie après le sport, de la vie des autres stars et des autres anciens joueurs, nous assister parfois à changer de métier, car, pour nous, à l’époque, le football n’était pas un métier, mais un art, un plaisir…
Les pouvoirs publics, l’État… Ils ont la grande responsabilité d’encadrer les joueurs avec des lois et des principes connus de tous. Pourquoi lorsque l’argent est remis aux joueurs, cet argent doit passer entre les mains des responsables, avant d’atterrir chez nous ? Pourquoi ne pas nous le donner directement ? Ou le rendre public à la télévision, dans des radios et des médias ?… C’est tout de même nous autres les joueurs qui faisons le travail !
Il quitta la ville de Bandundu quelques temps après… Et je ne le rencontrai plus jamais… Mais, je gardai dans mes archives les notes de notre interview et de nos causeries que je publiai alors dans notre journal Kimpangi…
Une fois en Écosse, où les noms des Léopards et les films de ce match mémorable Écosse-Zaïre figure dans leurs archives au Musée du Football comme étant leur match d’anthologie, avec l’Écosse qui le remporta par 2-0, certains anciens joueurs de l’épopée Munich 1974 m’avaient dit : « que pouvons-nous faire pour Ndaye et tous les autres qui avaient joué avec nous ?… ».
Des confrères journalistes Écossais présent au stade m’avouèrent toute la frousse de leur équipe de se mesurer avec un Ndaye qui venait de pulvériser, quelques mois auparavant, le record des buts à la Coupe d’Afrique des Nations… Et surtout ce nom des Léopards !…
Maintenant que Ndaye est mort en emportant son record de 9 buts jamais inégalé, peut-être qu’il sera tout de même honoré, à titre posthume, d’avoir un pourtour ou une entrée du stade baptisée en son nom, avec demain un grand monument, ainsi nombreux seront inspirés par cet exploit.
Adieu Ndaye…
Norbert X