LE STADE DES MARTYRS DE LA PENTECOTE
LE STADE DES MARTYRS DE LA PENTECOTE.
Après vous avoir entretenu sur notre équipe nationale avec sa période de gloire et de crise la semaine passée, restons dans ce domaine de football pour parler du stade des martyrs de la pentecôte. J’aimerais expliquer aux jeunes qui ne maîtrisent pas bien l’histoire de notre pays de comprendre pourquoi le nom de notre stade est passé de Kamanyola au stade des martyrs de la pentecôte.
Pour ceux qui ne connaissent pas bien la ville de Kinshasa, ce stade est situé entre le Pont Gabu et le Palais du peuple. A l’époque du Zaïre, on l’appelait le stade Kamanyola. Ce nom fut donné suite à la bataille de Kamanyola qui nous rappelle la guerre que l’ANC (Armée Nationakle Congolaise) avait livrée, il ya de cela plus de 40 ans, contre les rebelles mulélistes pour la reconquête de la plaine de Kamanyola ('64) et contre les mercenaires de Jean Schramme ('67) pour la libération de la ville de Bukavu. L’armée zaïroise sous le commandement des généraux Mulamba et Masiala en est sortie victorieuse.Le jeune Adjudant Mahele se fit remarquer pour la première fois lors des combats contre les mercenaires de Jean Schramme en 1967 dans la ville de Bukavu. Alors Il fallait donc immortaliser ces hauts faits d’armes.
Pour rappel, ce stade est le fruit du protocole d’accord entre la République de Chine et la République Démocratique du Congo. Les travaux de construction ont commencé le 14 octobre 1988 pour se terminer le 14 octobre 1993. L’on se souviendra que le 14 octobre est la date anniversaire de la naissance du Maréchal Mobutu. Pour revenir au stade, il a une capacité d’accueil pouvant aller de 80000 à 10000 places. C’est le fief de notre équipe nationale, de Vita Club, Daring Club Motema Pembe, As Dragon et autres.
En effet, les Martyrs de la Pentecôte sont quatre politiciens congolais exécutés par pendaison le 1er juin 1966 sous le régime de Joseph-Désiré Mobutu. Il s’agit de Jérôme Anany (Ministre de la Défense dans le gouvernement de Cyrille Adoula de 1961-1964 , Emmanuel Bamba (sénateur, ministre des finances sous Adoula et dignitaire de l’église kimbanguiste), Évariste Kimba (Premier ministre jusqu’en novembre 1965) et Alexandre Mahamba (Ministre des Affaires foncières dans le gouvernement de Cyrille Adoula).
Pourquoi les quatre politiciens ont-ils été pendus?
En effet, sept mois après son coup d’état, Mobutu tenait à marquer son pouvoir. Pour asseoir un pouvoir fort, il va se baser sur ce principe de Machiavel : «Un chef doit chercher à être craint, qu’à être aimé». C’est ainsi qu’il montera un scénario diabolique et savamment orchestré en tendant un piège à quelques acteurs politiques qu’il accusera de monter un coup d’État. Il les pendra en public pour créer la terreur et lancer un message fort aux autres politiciens. Le sénateur Émile Zola ne voudra pas se laisser intimidé. Soutenu par Emmanuel Bamba, il interviendra par motion pour exprimer sa désapprobation et cela à la grande satisfaction de ses collègues. Il se demandait quel devrait encore être le rôle du Parlement dans une telle situation. Bamba disait à ses compatriotes : «Il est temps de sortir des lâchetés hypocrites». Il paiera cher sa témérité en rejoignant Évariste Kimba, Alexandre Mahamba et Jérôme Anany pour se faire pendre à l’actuel emplacement du stade des martyrs.
Pour monter son scénario, Mobutu s’est servi des officiers militaires qui poussaient les quatre politiciens à comploter en leur faisant croire que le pays était dans une mauvaise voie. L’idéal serait d’assassiner Mobutu et son premier ministre, le général Léonard Mulamba pour les écarter du pouvoir. Le meneur et le cacique de ces officiers, le colonel Bangala informait régulièrement Mobutu et recevait de ce dernier des consignes pour pousser ces politiciens à s’engager dans la voie du coup d’état. Son nom a d’ailleurs été donné à l’avenue qui longe le stade Vélodrome vers la maternité de Kintambo.
Le dimanche 29 mai 1966, les quatre politiciens et les six officiers vont se rencontrer pour une dernière fois dans la résidence du colonel Bangala afin de finaliser les choses avant de passer à l’action. Cette réunion marathon commencera à 20 heures pour se terminer à 1h00 du matin. Entretemps, les commandos s’étaient cachés dans le jardin de cette villa. D’autres se faisaient passer pour des cuisiniers et servaient de la bière et des amuse-gueule. A la fin de la réunion (1h00 du matin), les commandos interviennent et procèdent à l’arrestation des quatre politiciens sans les officiers militaires. Le 30 mai 1966, Mobutu signe une ordonnance-loi créant un tribunal militaire composé d’un président et de deux juges pour juger les quatre officiers ligotés et pieds nus. Le procès de la pentecôte était un procès bidon, expéditif ou une véritable mise en scène. Il a démarré le 31 mai et après un interrogatoire de 2 heures seulement il se termine par cette déclaration du président du tribunal militaire : «Messieurs, nous sommes ici devant le conseil de guerre, ce n’est pas pour faire des discussions. Nous sommes ici pour punir Quelqu’un. Donc, le tribunal militaire ne demande pas beaucoup de temps». Sur ce, la cour se retire à huit clos pendant cinq minutes et revient pour annoncer cette sentence : la peine de mort pour tous les quatre inculpés. Cela va provoquer beaucoup d’indignations et d’interventions à travers le monde. Cette pression internationale poussera Mobutu à s’exprimer le soir de la pendaison par la voie des ondes. Il déclarera ce qui suit: «Le respect dû à un chef, c’est quelque chose de sacré et il fallait frapper par un exemple. On était tellement habitué dans ce pays à des sécessions, à des rebellions. Il fallait couper court à tout cela, pour que les gens ne puissent plus recommencer… Lorsqu’un chef décide, il décide, un point c’est tout. J’ai décidé au nom du Haut commandement que nous sommes au pouvoir pour cinq ans, un point c’est tout. Il n’appartient pas à un groupe de politiciens d’aller se mettre du côté des finances pour provoquer encore des désordres ou des troubles dans ce pays. Ils l’ont fait, il fallait un exemple».
A l’avènement de l’AFDL, le stade Kamanyola sera rebaptisé le Stade des Martyrs de la Pentecôte en l’honneur de ces quatre martyrs morts pendus à ce lieu. Si vous étiez-vous à Léopoldville lors de ces événements et que vous avez des anecdotes, des souvenirs ou des commentaires à ajouter pour aider nos jeunes, la parole vous est accordée.
ZÉPHYRIN KIRIKA NKUMU ASSANA