LA CONGOLITUDE : LE SIMPLE FAIT D’ÊTRE CONGOLAIS
Norbert MBU-MPUTU (Bristol, 30 mai 2021). BON DIEU… JUSQUE-LÀ ? NON. NOUS DÉRAILLONS QUELQUE PART ET DANGEREUSEMENT. IL FAUT EVITER QUE des individus, parfois d’anciens candidats ou des prétendants à certains postes, puissent trainer et même drainer toute l’opinion épidermique vers des gouffres et des creux des vallées, en usant certains concepts et en proposant certaines lois qui peuvent mettre à mal le fondement d’un État-nation car venant déboulonner ce qu’on peut avoir de plus sacré : notre identité. La CONGOLITE est une dérive éthique et intellectuelle mal venue. Full stop. Voilà pourquoi, quelques années passées, en la méditant profondément, j’étais venu avec un concept nouveau à la place : LA CONGOLITUDE…
La « CONGOLITE » est une stigmatisation dangereuse et pire que le COVID 19. Car, souvent, l’usage des mots et des concepts rend aveugle… L’on comprendrait encore qu’une telle levée des boucliers soit l’œuvre d’un quidam n’ayant jamais quitté son terroir natal pour des aventures par-delà les tropiques. Mais, lorsque la personne elle-même est bénéficiaire de ce climat tant honoré de l’après Mur de Berlin, et surtout lorsque la personne en question joue elle-même au propre troubadour ou thuriféraire de son concept, il ne faut pas être Bula-matari pour se mettre à briser les rocher pour découvrir les anguilles s’y cachant dessous. Et, il faudra très vite stopper la chose et sa dose, spirituellement, intellectuellement, académiquement, communautairement et même politiquement.
IL EST GRAND temps pour les Grands et Esprits Congolais de s’accaparer du débat malsain actuel sur la demande d’une loi imposant la prétention à la présidence de la république qu’à un Congolais de « père et de mère »… Disons, pourquoi s’arrêterait-on en si bon chemin et ne pas continuer aussi en englobant aussi qu’il faudra alors être « un congolais de père et de mère congolais, eux-mêmes de père et de mère congolais, eux-mêmes aussi de père et de mère congolais » ad vitam aeternam… Pourquoi s’arrêter alors en si bon chemin avec la première génération ?… Puis, a-t-on vérifié, tous sans exception, que dans nos lignages, par l’effet des guerres et des migrations, qu’un malin soldat ne se soit infiltré dans l’ADN familial ?…
Qu’un tel débat soit orchestré par un quidam n’ayant jamais sorti de son terroir natal, c’est encore excusable et compréhensible ; mais lorsque ce sont des individus ayant parfois parcouru le monde, ou se disant avoir enjamber des océans et des mers – Dieu seul sait ce que le monde aura laissé de frustrations en eux – c’est que la chose devient inquiétante à plusieurs degrés et à plusieurs égards. Certes, il est normal de susciter un débat même sur le sexe des anges, mais aller jusqu’à se poser des questions du genre si le nez était au milieu du visage, est une dégringolade inopportune actuellement de l’échafaudage même de l’État-nation.
VOICI QUELQUES années que, réfléchissant sur l’identité congolaise, j’avais pensé bon distancer l’esprit cartésien et rationnel de la fameuse légendaire « congolité ». Et pour cause, comme son alter ego la fameuse « ivoireté » dont l’on sait mesurer les dégâts même collatéraux, c’est-à-dire ces concepts à résonnance linguistique ou mieux verbale, c’est-à-dire cherchant à définir une chose, non pas de son intérieur et à partir de son être, mais à partir de son apparence parfois kaléidoscopique, de la couleur de la peau ou des prononciations des consonnes ou des voyelles des mots, l’usage de la « congolité » est une fausse note dans la partition musicale brouillant l’harmonie, le mouvement et même le rythme.
Mais, puisque la nature a horreur du vide, j’avais cru bon replonger dans des sémantiques et l’herméneutique des concepts, des radicaux, des suffixes et des préfixes. Et, j’avais cru bon proposer le concept de la « CONGOLITUDE » sur le droit chemin de sa sœur ainée m’ayant toujours inspirée « la négritude » inventée par Aimé Césaire.
C’est tout dernièrement, au détour d’une lecture, que je me découvris ne pas l’avoir inventée car, « la congolitude » avait déjà été usée en 2005 par Thierry Sinda dans un article sur Jacques Rabemananjara chez qui, selon Sinda, « la négritude engloba la « Malgachitude », la créolitude (ou créolité), la sénégalitude (ou sénagalité), la congolitude (ou congolité) etc. ». Nous nous situons ainsi sur les pas de cet érudit à moins de trouver un autre auteur antérieur, Thierry Sinda portera ainsi le flambeau de la paternité de ce néologisme.
Tout comme avec la négritude inventée par Césaire dépassé et expliqué par plus d’un après lui, pour moi donc, me distançant de tout délit de facies, de tout clivage linguistique et de tonalité, puisqu’étymologiquement le suffixe « – ité » désigne les maladies de nature inflammatoire et sert à former un nom indiquant une caractéristique, à partir d’un adjectif, je me plongeai dans la même étymologique des suffixes pour puiser « itude » et proposer le concept de la « congolitude ».
La CONGOLITUDE, auquel les années latines du secondaire me fit proposer une étymologie latine « congolitudis-congolitudinis », comme Césaire le fit avec négritude (negritudis-negritudinis) est le simple fait d’être Congolais ; c’est le Congolais dans son être ; c’est le Congolais dans sa plénitude ; c’est le Congolais dans sa diversité uniforme et dans son unité diversifiée ; c’est, pour reprendre le professeur et philosophe congolais Kaumba Lufunda Samajiku qui consacra tout un livre sur cette question identitaire congolaise, Unis par le sort. Propos sur la cohésion nationale (Kinshasa, éditions NORAF). La Congolitude n’est pas une exclusivité et une exclusion, mais une richesse comme le sont les pièces d’un puzzle. La Congolitude, c’est le Congolais dans son manque d’explication d’être Congolais ; dans sa vie du Congolais sans discours ou même pleine de discours ; c’est le Congolais dans son fort et dans son moi interne…
Bref, contrairement à la « congolité » pouvant glisser vers des exclusions et même des enfermement sur soi, la « CONGOLITUDE » est ouverture et une couverture, la « CONGOLITUDE » est un humanisme ou mieux cet acceptation de l’autre différent de peaux et de père et de mère ; la CONGOLITUDE est une ontologie car n’ayant même pas besoin d’une stigmatisation ou d’une définition car elle se vit ; la CONGOLITUDE est, existe, vit, la CONGOLITUDE est une vie, la CONGOLITUDE est une vision, un projet, un dynamisme et donc une richesse à vraiment creuser et à tirer un grand profit.
Le vrai symbole de la CONGOLITUDE est le bassin du fleuve Congo constitué de plusieurs rivières, ruisseaux et cours d’eau le formant et, mutatis mutandis, constituant l’unité de ce pays et de ce peuple du Congo depuis des temps immémoriaux.
La CONGOLITUDE c’est le Congolais par-delà Stanley et Livingstone, Léopold II et Baudouin 1er, c’est le Congo par-delà 1960 ou de toute autre date donnée. Profondément, la CONGOLITUDE est le Congolais dans son Congo d’existence et d’essence à ne jamais amoindrir en les stigmatisant dans les catégories d’espace-temps ; la CONGOLITUDE c’est le Congolais dans son extra-temporalité ; la CONGOLITUDE, c’est le congolais dans son immanence et dans sa transcendance ; la CONGOLITUDE c’est le congolais dans son être profond et de fond étonnant tout non Congolais de ces 300 tribus, communautés et ethnies et langues et cultures et us se mixant et se malaxant sans heurts et sans lueurs, adoptant des coins à gauche, des recoins à droite, des mots au centre, des surnoms d’ailleurs, des sobriquets importés. La CONGOLITUDE est un sursaut d’orgueil du Congolais devant se découvrir riche et surtout citoyen de ce pays dont un certains idéologue Frantz Fanon avait dit, d’une façon prémonitoire, que l’Afrique avait la forme d’un revolver et dont la gâchette se trouvait au Congo et que Léopold Sédar Senghor, préfaçant Antoine Roger Bolamba, Esanzo. Chants pour mon pays, écrit de ce Congo où il n’y pas que mines, ponts, argents, dollars, intérêts, capital mais où il vit un peuple : le Congolais…
Bref, la CONGOLITUDE, c’est le congolais dans son infinitif à ne jamais conjuguer mais à conjuguer tout à la fois pour ne pas le rendre petit et rabougris. En conclusion, la CONGOLITUDE, en deux temps un mouvement ou mieux en un temps deux mouvements, c’est le peuple du Congo dans sa mosaïque uniforme et c’est son unité dans sa diversité légendaire vue et adoptée par son leader Patrice Lumumba.
La CONGOLITUDE c’est cette force congolaise découvert par le Père Tempels ayant publié le premier livre sur la philosophie bantoue lorsqu’il dit que « l’être égal force » ; la CONGOLITUDE, comme l’analyse et l’observe bien Claudine Clo, c’est cette capacité de résilience faisant du Congolais un homme debout dans d’incroyables situations et conditions sens dessus-dessous ; c’est cette efficacité redoutables à faire bouger les lignes ou même à déplacer les montagnes comme avec le syndrome du 4 janvier 1959 souvent oublié…
Prenons donc de la hauteur pour remettre l’être congolais dans sa voie lactée et éviter de le plonger dans les limbes inférieurs lugubres et usons donc de la « CONGOLITUDE ».
D’où avons-nous tiré ce livre de notre volumineux L’AUTRE LUMUMBA :
Norbert MBU-MPUTU, République Démocratique du Congo. PEUPLE, HISTOIRE, TRIBUS, CULTURES ET TRADITIONS. Introduction à la congolitude, Bristol, 2020. (https://www.lulu.com/en/us/shop/norbert-mbu-mputu/r%C3%A9publique-d%C3%A9mocratique-du-congo-peuple-histoire-tribus-cultures-et-traditions-introduction-%C3%A0-la-congolitude/paperback/product-wqwyw5.html)