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Publié par Chryso Tambu

Le soir du 5 septembre 1960
Par Chryso Tambu, publié le 5 septembre 2015

Dîner de gala organisé à l'occasion de la nomination du 1er Gouvernement congolais



La situation requérait l’urgence, semble-t-il. Le président Joseph Kasa-vubu quitte sa résidence officielle du Mont Stanley le soir du 5 septembre 1960 et se rend à la radio nationale où, interrompant un programme régulier d’anglais diffusé à 20 heures, lit, à partir d’un brouillon, un communiqué dans lequel il annonce à la face du monde la destitution du Premier ministre Patrice Emery Lumumba, évoquant l’article 22 de la loi fondamentale du 19 mai 1960 imposée par le Parlement belge pour servir de cadre juridique provisoire. “Sa” décision était-elle conforme à la loi ou s’agissait-il d’un coup d’État?

L’article 22 de la loi fondamentale stipule que “Le chef de l’Etat nomme et révoque le Premier ministre et les ministres”. A première vue, le président Joseph Kasa-vubu semble avoir exécuté “son” action en conformité avec la loi, sauf qu’il a ignoré le rôle déterminant du Parlement dans un régime parlementaire (à l’opposé d’un régime présidentiel) et énoncé dans l’article 43 lequel prévoit les conditions et la procédure pour une mise en cause de la responsabilité d’un membre du gouvernement.

Lorsque l’on réconcilie les deux articles (22 et 43), on se rend compte en effet que le chef de l’État n’a qu’un pouvoir théorique attaché à une fonction purement honorifique;   C’est à dire, une prérogative considérée comme étant un honneur et/ou un privilège et non un droit. Et tous ceux qui sont d’avis avec Joseph Kasa-vubu ou qui ont prétendu avoir identifié une contradiction entre l’article 22 et l’article 43 ou même fait allusion à une “crise constitutionnelle” tombent dans un piège avec une interprétation erronée qui fait de l’article 22 un droit.

Il sied de mentionner que malgré le caractère honorifique de la fonction du chef de l’Etat, la loi fondamentale, laquelle est tirée de la Constitution belge, lui reconnaît néanmoins explicitement des droits par rapport au pouvoir effectif qu’elle lui attribue. D'ailleurs, cette nuance qui permet justement de mieux saisir le sens de l’article 22 est manifeste dans les articles 29, 30, 31 et 32. Par conséquent, la question que l’on devrait se poser est la suivante: si effectivement le chef de l’Etat détient le pouvoir de nommer et de révoquer le Premier ministre et les ministres indépendamment du Parlement - comme le suggèrent ceux qui partagent son point de vue - , pourquoi alors l'article 22 n'est-il pas aussi explicite que les autres au point de nécessiter une "loi interprétative"?

Une parenthèse. On ne devrait pas non plus négliger une disposition particulière de cette loi notamment l’article 47 lequel présente un aspect particulier avec un précédent dans la nomination d’un Premier ministre étant donné que dans son communiqué le président Joseph Kasa-vubu informait l'opinion qu'il nommait en remplacement Joseph Ileo.

Il faut signaler par ailleurs qu'à la Table ronde à Bruxelles, les représentants officiels, y compris Moise Tshombe et Joseph Kasa-vubu, avaient trouvé un compromis qui a abouti à l'élaboration de l’article 43 de la loi fondamentale afin d'assurer la stabilité du premier gouvernement. Et très curieusement, prétendant même dans son communiqué d'avoir examiné cette loi dans son entièreté, le président Joseph Kasa-vubu choisit plutôt d'ignorer le rôle déterminant du Parlement à ce sujet et déclenche ainsi une crise constitutionnelle imaginaire. And the damage was done! Même s'il fallait que la cour soit saisie pour trancher sur la légalité de cette révocation, c'était déjà trop tard et irréparable. Et la suite des évènements l'a confirmé.

Joseph Kasa-vubu réussissait donc son tout premier coup d’Etat le 5 septembre 1960!

 

Chryso Tambu

chryso45@hotmail.com

 

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