MOTS NOUVEAUX, SIGNIFICATIONS NOUVELLES
MOTS NOUVEAUX, SIGNIFICATIONS NOUVELLES
La langue est comme la science sujette à évolution. Comme la technologie, elle s’adapte au temps et au courant de l’histoire. Elle s’innove pour qu’elle ne meurt pas à l’instar du latin. En français par exemple certains noms propres sont devenus communs comme poubelle, macadam, bottin ou même guillotine. Le lingala n’a pas échappé à cette règle. Ces patronymes sont ou étaient d’usage courant, de sorte qu’il est parfois difficile de savoir qu’ils étaient des noms de nos compatriotes. Les artistes-musiciens et dans une moindre mesure les politiciens avaient été les grands pourvoyeurs de ces mots nouveaux qui ont enrichi notre langue. Désormais entrés dans la postérité et faisant partie intégrante de notre vocabulaire quotidien, nous avons pu retrouver quelques uns de ces noms propres devenus comme par enchantement des noms communs et qui pour la plus part s’écrivent avec une lettre minuscule pour la plupart. Si certains sont moins usités ou disparus aujourd’hui, d’autres résistent contre vents et marée à l’usure du temps en se faisant une nouvelle jeunesse.
Mukala: proche collaborateur de Rochereau, immortalisé dans une chanson. Il était
chargé surtout d’entretenir les relations sentimentales de l’artiste d’ébène
avec ses conquêtes féminines
mukala : personne qui sert de courroie de transmission entre une amante et son
amoureux
Sakombi: homme politique et ancien gouverneur de la ville de Kinshasa
sakombi : petit gobelet en plastique servant de mesure capacité à partir des
années 80 et initiée par le gouverneur
Maboke: nom de scène d’un homme de théâtre congolais, de son vrai nom
Benjamin Yeya
maboke: sketch
Prince: titre porté en 1955 par Baudouin de Belgique en visite au Congo
prince : route macadamisée
Maze: contraction africanisée du prénom Marie-José et titre d’une chanson de Tabu
Ley
maze : billet (rouge) de 50 zaïres
Angwalima : célèbre Arsène Lupin congolais des années 60
angwalima : voleur
Kiyedi: nom de fille et titre d’une chanson de Dino Vangu
kiyedi : billet (bleu) de 10 zaïres
Emoro : danseur-vedette de l’Empire Bakuba dans les années 80
emoro : nain ou toute personne de courte taille
Vadio : artiste musicien paraplégique
vadio : personne handicapée
Muzi : nom de fille et titre d’une chanson de Ntesa Dalienst
muzi : tique (liyanzi)
Adoula : ancien homme politique
ebembe ya Adoula : poulet congelé
Mario : prénom d’origine portugaise et titre d’une chanson de Luambo Makiadi
mario : gigolo
Mama Sese : 1re épouse de Mobutu
cercueil ya mama Sese : gros pain fabriqué jadis par Quo Vadis
Libanais : Citoyen du Liban
libanais : égoïste
Le danseur Emoro
On notera aussi la francisation de certaines expressions tout comme l’arrivée dans l’espace linguistique des mots nouveaux. Tantine Abeti transformera bilanda landa en bi suivra suivra et Kiese Diambu vulgarisera l’expression deuxième bureau dans sa belle composition Deuxième bureau nganda. De l’autre côté du fleuve, l’ancien instituteur Casimir Zoba devenu le chanteur Zao inventa un bel adjectif , cadavéré , dont l’utilisation se fait encore malheureusement attendre dans la langue de Molière. Dans la foulée de son célèbre tube Ancien combattant, il ne se limita pas seulement à décrier les cruautés de la guerre mondiaux qui "n’est pas bon ", mais en plus dans un style amusant et non sans ironie, il égrena les unes après les autres les rares expressions nouvelles sorties de son imagination en parlant du coq qui ne va plus coquer cocorico ou de la poule qui na va plus pouler les œufs. Mobutu, lui, s’étant emparé du pouvoir suprême, s’installa confortablement au Mont Ngaliema avec dans ses cartons deux termes qu’on voudrait bien mettre à son actif. La langue française fut alors enrichie de deux nouveaux mots : pémbéniser et politicailleur. Si le verbe francisé qui avait pour radical « pembeni » signifiait comme en lingala « mettre à l’écart » , le substantif trouvé par la bande à Mobutu selon la signification qui lui fut donnée à l’époque désignait les politiciens démagogues de la première république que l’armée venait justement d’écarter de la politique. Les politicailleurs de tout bord étaient pémbénisés par le Haut commandement de l’ANC le 24 novembre 1965. Pour une date mémorable et pour un événement inoubliable, deux vocables historiques venaient de voir le jour. En outre au terme péjoratif congolisation qui naguère était employé pour parler de l’extension des troubles à travers le Congo des politicailleurs, le futur maréchal opposa la zaïrianisation qui était la nationalisation de toutes les sociétés et entreprises étrangères au Zaïre. Quant à Dominique Sakombi Inongo en sa qualité de commissaire d’Etat à la Mobilisation, Propagande et Animation et Politique ( MOPAP) et ayant puisé dans ses ressources intellectuelles, il finit par inventer le mot mobutisme qui faisait la fierté et l’orgueil du Guide. Ce dogme nouveau était l’essence idéologique de la révolution zaïroise authentique. Et c’était bien trouvé par le chantre du parti-Etat.
Zao au 12ème Salon International de l’artisanat de Ouagadougou (SIO) en octobre 2010
Outre tout ce qui précède, le Congolais s’est aussi montré champion dans l’art de la dérision. Bon gré mal gré, l’homme de la rue transformait à sa guise à la fois avec sérieux et bonne humour certains sigles officiels en y donnant une nouvelle signification. En voici quelques exemples éloquents :
Plan Mobutu devenu plan mobulu
DTS: Droits de Tirage Spéciaux devenu Devises Transférées en Suisse ou Détérioration Totale de la Situation
PAM : Programme Agricole Minimum devenu Peuple Alia Matiti, Président Aliya Misuni
MPR : Mouvement Populaire de Révolution devenu Mobutu Président de la République
JMPR : Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution transformée en Joseph Mobutu Président de la République
MOPAP : Mobilisation, Propagande et Animation et Politique sigle devenu célèbre et qui désignait toute personne rodée dans l'art de mentir
Samuel Malonga
MUKALA, PAR ROCHEREAU ET L'AFRICAN FIESTA NATIONAL