LETTRE À NICOLAS SARKOZY
LETTRE À NICOLAS SARKOZY
A Son Excellence Monsieur Nicolas Sarkozy Président
Président de la République française
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg- Saint-Honoré
75008 Paris
République française
Le 12 décembre 2011
Monsieur le Président,
En ce moment crucial où le Congo traverse une très grave crise, au moment où les fondements de la RDC sont menacés, je saisis cette opportunité pour écrire à celui dont la nation a joué toujours un rôle non moins important dans l’histoire de l’humanité. J’ose croire que malgré vos lourdes tâches, vous aurez le temps de me lire. Vivant à l’étranger, je ne suis qu’un simple citoyen révolté par l’actualité dramatique dans son pays. Je n’appartiens à aucun parti politique. C’est donc cette liberté qui m’a poussé à m’adresser à travers ces quelques lignes au Président et à l’homme que vous êtes. Ces écrits n’engagent que ma personne, bien qu'ils reflètent aussi la façon dont l’homme de la rue voit les choses dans le goulag congolais.
Excellence,
Vous avez en France une tradition républicaine qui a toujours servi de modèle pour les pays tiers. La révolution française en est la plus grande illustration. Votre pays a toujours rayonné dans le monde à travers ses penseurs et ses prises de position qui bien des fois narguaient celles des Américains.
Il y a peu, vous aviez soutenu le printemps arabe. Il y a peu, la France avait été aux côtés des révolutionnaires libyens en participant militairement à leur côté jusqu’à la victoire finale. Il y a peu, les gouvernements français et américains s’étaient empressés de condamner la fraude massive lors des récentes élections russes.
Pourtant, ce qui se passe au Congo vous laisse indifférent. Les élections du 28 novembre 2011 avaient été émaillées de fraude massive dans toute l’ étendue de la RDC. Malgré la tricherie et le bourrage des urnes comme en Russie de Poutine, le peuple congolais avait massivement voté pour monsieur Tshisekedi en sanctionnant le président sortant. Les élections n’ont plus de légitimité lorsque le perdant est déclaré vainqueur. La politique de qui perd gagne éloigne la perspective d’une paix durable. La surdi-mutité de la France cautionne la dictature, la fraude, la supercherie qui sont tout le contraire de la démocratie que les Occidentaux appellent de leur vœu dans nos pays. Ne dit-on pas qui ne dit mot consent ? Les intérêts financiers inassouvis qui comme toujours priment sur les vies congolaises minent le développement du Congo et par ricochet sabordent le bien-être du Congolais. La diplomatie française qui a souvent pris de bonnes initiatives n’a cette fois-ci rien fait contre la fraude, rien dit contre la répression et n’a pas vu venir le bras de fer sanglant entre l’opposition et le pouvoir, entre la rue et la police qui tire à balles réelles sur la population désarmée. Personne ne dit rien, peut-être parce que la RDC n’est ni l’Irak, ni l’Afghanistan, ni la Libye ni encore moins la Côte d’Ivoire.
On n’a toujours parlé du génocide rwandais. Mais s’agissant du Congo, on tait ce mot pour minimiser et balayer d’un revers de main le drame de ce pays, alors que cinq millions de Congolais sont morts et continuent de mourir dans l’indifférence la plus totale. Devant l’hypocrisie de la communauté internationale et l’expectative de la MONUSCO, il semble que la vie d’un Congolais ne vaut pas plus que le prix d’un kilo de bauxite, d’une tonne d’uranium ou de quelques grammes de coltan. Et pour cause ! L’ancien président américain Richard Nixon n’avait-il pas écrit que les grandes puissances agissent par intérêt ?
La vague de contestation au Congo et dans la diaspora congolaise et l’expression du ras-le-bol d’un peuple qui a attendu et espéré pour rien, un peuple qui a été trompé dans son espérance. Le pouvoir lui a volé sa victoire. Les combattants ne sont pas des casseurs. Mais ayant fui la dictature de Mobutu puis celle des Kabila, ils ne peuvent plus rentrer au pays parce que la répression perdure. Comme vous le savez, les populations ne se trompent pas. Il est donc du devoir de la France de rétablir la légalité comme à juste titre ce fut récemment le cas en Côte d’Ivoire.
Tous les Congolais ne sont pas membres de l’UDPS. Ce mouvement n’est pas un parti-Etat comme le fut le MPR. Par contre, la grande majorité de mes compatriotes, toutes provinces, toutes tribus et toutes ethnies confondues, trouve en monsieur Tshisekedi l’homme providentiel qui remettra le Congo sur les rails. Il est pour le Congolais ce que De Gaule fut pour la France et Mandela pour l’Afrique du Sud. Car il porte quelque peu les habits et la marque de Lumumba. Nationaliste, il incarne la volonté du peuple au changement. Voilà pourquoi, les Congolais le soutiennent et sont même prêts à se sacrifier pour lui. Il est actuellement le seul leader politique qui peut les rassembler autour d’un idéal. L’homme de la rue ne cesse de se demander pourquoi l’Occident le désavoue au détriment de celui dont la politique est aux antipodes des ses aspirations. Madame Aung San Suu Kyi et monsieur Etienne Tshisekedi luttent pour une même cause et un même idéal. Et pourtant, la Birmane qui a récemment reçu la visite de madame Clinton a toujours eu le soutien de l’Ouest euraméricain mais pas le Congolais. Quel contraste ! constitue-t-il vraiment un danger pour les intérêts de l’Occident ? Cette politique de deux poids deux mesures n’est pas comprise par les Congolais qui pensent être victimes d’un gigantesque complot international. L’exemple de la compromission de l’Afrique du Sud qui accepté l’impression des tonnes de bulletins de vote déjà cochés pour le compte du candidat Kabila en est la parfaite illustration.
Monsieur le Président,
Le Congo n’arrive pas à décoller économiquement parce qu’il a toujours eu à sa tête, des dirigeants incapables, violents, corrompus et dilapidateurs des deniers publics qui malheureusement ont toujours été soutenus par les démocraties occidentales. La répression chasse les Congolais dans leur propre pays et les pousse à venir s’exiler en France bien qu’ils soient solidement attachés à leur terroir. Il suffit qu’on leur laisse choisir librement leurs dirigeants, et la ruée congolaise vers l’Hexagone tout comme vers d’autres pays occidentaux s’estompera aussitôt. Car comme le dit l’adage, on n’est mieux que chez soi.
Aujourd’hui, le peuple congolais désarmé continue à subir les affres d’une dictature qui ne dit pas son nom. Doit-il continuer à s’appauvrir alors que ses dirigeants bradent les richesses nationales et s’enrichissent insolemment ? Le scandale géologique est- il condamné à rester un scandale humanitaire que de temps en temps les caméras du monde occidental viendraient mettre en évidence ? Le Congolais se demande comment et pourquoi ceux qui se disent démocrates soutiennent des régimes autoritaires dont les idéaux sont à des années-lumière de ceux d’une véritable société libre. Le Président François Mitterrand, votre illustre prédécesseur, a eu le courage de dire sa vérité aux potentats africains lors de son discours à La Baule. Dommage qu’il n’ait pu illustrer ses propos par des actes dignes de ce nom qui auraient pu faire réfléchir plus d’un.
Le peuple congolais martyrisé par la brutalité du pouvoir en place ne veut que la paix et l’établissement d’un Etat de droit. La France démocratique ne peut-elle pas répondre à la voix de sa conscience ? Du plus profond de son moi, n’entend-t-elle pas les cris de ces enfants affamés, les pleurs de ces femmes violées, la tristesse de ces jeunes désœuvrés donc sans avenir et la colère légitime de cette population dont on a volé la victoire ? Cette meute ne l’interpelle-t-elle pas? La répression non plus ? La France doit-elle continuer à se murer dans ce silence complice et hypocrite qui condamne le peuple congolais et qui fait un clin d’œil au tricheur de Kinshasa ? Et pourtant, c’est elle qui inventa le droit d’ingérence humanitaire.
Excellence,
Le peuple congolais dans sa majorité a rejeté les résultats de ce hold-up électoral dont la non transparence est décriée par le Centre Carter et à mots couverts par la Conférence des évêques congolais. Si Kabila avait réellement gagné, pourquoi envoie-t-il la police et l’armée investir les rues de Kinshasa en lieu et place de ses partisans ? Dès lors, les élections sont devenues un subterfuge, un bluff et une manœuvre politicienne pour se maintenir au pouvoir. L’alternance s’éloigne de plus en plus de l’horizon et devient tout bonnement un rêve irréalisable dans le subconscient de la population. Aujourd’hui, les Congolais en appellent à votre conscience d’homme d’Etat afin que la France se mette du côté du peuple en rétablissant la légitimité sortie des urnes afin que la démocratie porte ses marques. Le soutient inconditionnel à cette population qui n’a que misère et répression comme pain quotidien est plus qu’indispensable. Elle n’a pas besoin des mots creux , de longs discours ni des promesses chimériques mais plutôt des actes concrets. Pour défendre les libertés, la France a pris ses responsabilité devant l’histoire en s’engageant activement en Côte d’Ivoire et en Libye. Pourquoi ne le ferait-elle pas en RDC ? L’heure est grave. Dos au mur, le peuple congolais s’en remet à la communauté internationale tout en demandant à la France, pays des droits de l’homme et du citoyen, de sortir de sa torpeur.
Monsieur le Président,
Dans l’espoir que vous agirez pour la bonne cause et que vous regarderez la situation congolaise avec les yeux d’un démocrate épris de paix, de justice et de liberté, j’ose croire que vous donnerez à la présente la suite qu’elle comporte. Tout en vous souhaitant bien des bonnes choses lors du scrutin présidentiel de l’année prochaine, le peuple congolais, victime directe du silence des démocraties euraméricaines, prend votre conscience à témoin et vous prie par ma voix, de bien vouloir agréer l’expression de ses sentiments les meilleurs.
Samuel Malonga
Copie conforme :
- A messieurs François Hollande du PS et François Bayrou du Modem, candidats à l’élection présidentielle française en 2012.
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- A monsieur Mark Rutte, Premier Ministre du royaume des Pays-Bas.
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