Lettre à Jean-Paul Niwa
Lettre à Jean-Paul Niwa
Un bon jour du mois de juin 1973, quelque part à Kinshasa, un parent écrit à son enfant étudiant en Belgique. Ce père de famille n’est pas n’importe qui. C’est le président Mobutu, et ce fils bien aimée n’est autre que Niwa, le futur commissaire d’Etat à la Coopération. Cette lettre devenue célèbre ne fut pas seulement reprise par Daniel Monguya dans Histoire secrète du Zaïre, mais elle fut aussi lue dans le documentaire Mobutu, roi du Zaïre. Nous avons écrit en caractères gras les extraits qui avaient été déclamés dans le film de Thierry Michel d’où sont aussi tirées les photos. Dans cette correspondance, le président parle de ses préoccupations, de ses soucis et donne des conseils de prudence et de vigilance à son fils Jean-Paul. On peut aussi mesurer l’émotion et même la peur dans laquelle vivait la famille présidentielle lors des douloureux événements politiques qui ont failli l’éclaboussée. Si en public, Le Président se disait aimer par son peuple avec qui il vivait en complicité, en privé mieux en famille, il reconnaissait le contraire. Il faudrait signaler un fait à la lecture de cette lettre présidentielle. C’est l’utilisation du prénom "Jean-Paul" et des sigles " JDM" au-dessus des armoiries (voir fac similé en bas) alors avec la politique de recours à l’authenticité qu’il avait lui-même initiée, tous les noms d’emprunt venus de l’Occident furent bannis.
Samuel Malonga
Kinshasa, le 20 juin 1973
Fils bien aimé Jean-Paul,
Je crois que tu comprends maintenant les raisons de mes préoccupations ces jours derniers, avec ce qui s'est passé récemment. Tu es déjà à l’âge de comprendre certaines choses et
même plus, surtout pour la vie de celui que tu as connu comme père et dont les premiers ennuis et soucis ne sont pas seulement d’ordre familial.
Jean-Paul Niwa Mobutu
Tes reproches au téléphone et tes inquiétudes dans les lettres sont évidemment bien fondés, mais il y a de ces choses de la vie dont tu ne peux comprendre la portée et les exigences de la vie comme celle que nous menons, j’entends par là cette vie politique, nous oblige parfois certains sacrifices énormes pour survivre toujours et toujours davantage.
Je joins à cette lettre quelques clichés relatifs aux événements de la dernière conspiration et sur lesquels tu peux reconnaître et distinguer des personnes qui s’acharnent à la disparition de notre "clan" et surtout de cette œuvre que je compte laisser à travers l’histoire, autour de notre nom , ton nom, dont tu es l’unique et responsable dépositaire.
A sa descente d’avion, le père est accueilli par le fils. Au loin, la voiture attend.
Sache qu’ici bas, au niveau où sommes arrivés, nous avons beaucoup plus d’ennemis que d’amis. Même ceux en qui j’avais confiance, et qui sont même proches de la famille dont tu n’ignores pas le comportement, nous trahissent soit directement, soit indirectement dans tous leurs agissements. Toute la haine dont des milliers de personnes nous portent, ils en sont en grande partie les générateurs. C’est pour cela que je t’avertis en espérant que l’âge que tu as maintenant et les événements que nous vivons te le feront comprendre, de rester très prudent dans tes contacts avec les membres proches du "clan", ce qui se lit sur le visage n’est pas toujours le reflet de ce qui se passe dans le cœur. Je te recommanderai plutôt , car nous n’avons pas que seulement d’ennemis, de garder certaines relations sans crainte avec la famille du "grand Papa B".
Accueil par les enfants du clan sous le regard du fils bien aimé
Les ancêtres n’ayant pas encore décidé de notre sort, nous pouvons regarder l’avenir avec confiance sans toutefois oublier que le danger nous guette et qu’il est permanent. Je compte sur toi pour surmonter les événements avec calme et espère que tu écoutes les conseils de notre ami Dessaert. Réconforte mamie et la famille du premier cité. Je t’appellerai demain dans la soirée. Courage.
Je t’embrasse
Papa