Les danses de la musique congolaise
Nous reproduisons cet intéressant article de CongOnline, décelé et proposé par notre ami Samuel Malonga aux Mbokatiers.
Les danses de la musique congolaise
"Le samedi soir et le dimanche, toutes contraintes relâchées, les citadins donnent libre cours à leur faim de joie, de détente, de communication avec autrui. Dans tous les quartiers, autour des "tam-tams" qui maintiennent les thèmes folkloriques ou des orchestres de fortune, les danses ne s'interrompent plus". C'est ainsi que Balandier décrit, dans les Brazzavilles "noires", l'atmosphère au début des années 50.
Kinshasa, de l'autre côté du Pool Malebo, n'échappe pas à ce cliché. Depuis, en dépit de la morosité économique dans les deux capitales sœurs, comme le dit Wemba dans une chanson récente, "Tous les jours, ambiance à gogo". A Poto-Poto et Matonge, les repères temporels sont brouillés.
La danse est une réalité incontournable de l'univers congolais. Le Kebo et le Nzango ont fait danser de nombreuses générations de congolais avant d'être supplantés par les danses exogènes introduites à la faveur de l'arrivée du phonographe sur les deux rives du fleuve Congo. Depuis, ces danses du terroir ne sont plus que des manifestations ludiques qui tombent en lambeaux.
Au début des années 50, polka, swing, chacha, tango, etc... investissent les lieux des mondanités. Quist, Air-France, Parc de Boek, Yaka Awa, Siluvangi, à Kinshasa, Faignond, Congo Zoba, Lumi-Congo, Mouendo Koko, Nouani Bar... à Brazzaville. Les danses étrangères ont incontestablement favorisé l'éclectisme musical des congolais. Mais en dépit de l'engouement qu'ils ont pour les rythmes de l'étranger, les congolais préfèrent, malgré tout, la rumba, danse congolaise par excellence, tant sa gestuelle est intrinsèquement traditionnelle.
La rumba est une danse lascive qui est exécutée par deux danseurs enlacés. Elle suggère une véritable scène d'amour. La rumba revenue de Cuba, ne serait en fait que la kumba (nombril) réappropriée par les congolais qui l'ont élevée au rang de danse mythique de la musique congolaise moderne. Du reste, depuis peu, de nombreux auteurs insistent sur l'origine congolaise de la rumba-kumba qui aurait engendré les termes créoles de cumba, cumbachera, cumbé. Ce qui est important aujourd'hui, c'est que la rumba renvoie désormais, spontanément, à la musique congolaise.
La rumba
Rumba, rumba Odemba, rumba karakara, etc... cette danse subit des changements mineurs sans conséquence au fond. Mais, avec la danse des bouchers créée en 1965 par Bahonda et Balla (ils sont membres de cette corporation), son omnipotence est sérieusement ébréchée.
http://www.youtube.com/watch?v=6ovbmxCcFlM&feature=player_embedded#!
Avec le boucher, on assiste à une légère accélération de la cadence. "Ba nguembo bo juger" des Bantous de la capitale ou "Ngai Marie nzoto ebeba" ou "Catherine" de Luambo Makiadi et l’OK Jazz illustrent parfaitement le changement "métronomique" qui caractérise la nouvelle danse. Massamba alors président du Congo-Brazzaville n'hésite pas à déclarer le boucher danse nationale.
Le boucher doit son succès à son adoption par les n'guembos. Par ce terme, on désigne tous ceux qui suivent les concerts à l'extérieur des dancings à ciel ouvert de Brazzaville et Kinshasa ou huchés sur les toits des maisons mitoyennes. Lors des premiers jeux africains qui se tiennent à Brazzaville en 1965, les danseurs Wello, Berba et Oko font une démonstration publique du boucher au stade de la Révolution. Ce qui permet à la jeunesse africaine réunie dans la capitale congolaise (rive droite) de l'adopter à son tour.
Le soukous puis le Kiri Kiri dont l'African Fiesta Sukisa et les Bantous se disputent la paternité tentent en vain de déboulonner le boucher. Même le jobs, créé peu après par Rochereau n'y parvient pas. En 1969, les Bantous présentent le boucher au Premier festival panafricain d'Alger.
Exécution du soukous
En prévision d'une tournée aux USA, Franco fait appel à Berba, Wello et Damas (spécialiste du boucher) pour encadrer les francorettes : Elysée, Mamy, Lola et Astrid. Finalement, cette tournée n'a pas lieu. Entre temps, Rochereau décroche le contrat de l'Olympia. Il débauche le danseur Pascal chez Franco et monte, avec lui, les rocherettes, un groupe féminin. Rochereau a le privilège, entre autres, de présenter le boucher au public parisien. D'une manière générale, on note deux courants dans la danse congolaise : le courant traditionnaliste et le courant synthétique. Le premier est caractérisé par l'intégration des danses du terroir dans le répertoire de la musique moderne, quasiment sans modifications majeures. Le boucher, Mouyirika, Djale N'Goza, Sundama, le Mutuashi pour ne citer que les plus importantes. Le deuxième courant fait la synthèse des emprunts à la tradition avec les danses et rythmes du répertoire mondial. Le passage de James Brown à Kinshasa, au début des années 70 a entraîné d'importantes mutation dans l'évolution de la danse au Congo. Il a influencé de nombreux artistes : Matadidi Mario, Evoloko, Mbuta Mashakado à Kinshasa, Titi Matondo à Brazzaville. Autre influence notable à la même époque, l'irruption du disco, funk, reggae, punk, hard rock, pop, etc... chacun de ces rythmes, à des degrés divers, a influé sur le développement des danses de la musique congolaise moderne.
Zaïko Langa Langa et Lita Bembo ont marqué de leur empreinte l'art de la danse au Congo. A l'actif du Zaïko, on peut citer : Ngouabin, Cavacha, Choqué, Sonzo Ma, Volant, Funky, Zekete, Tara, Ontshoule, etc... De Lita Bembo, les mélomanes se souviendront longtemps de Saccadé, danse Ekonda, Caïmans, Quatre coins, Osaka dynastie, etc...
Bidunda dunda, Wondostock, Oliwondo, Levole, Six, Pompe Kijection, Djembelo, Swingi, Mbiri mbiri, Marepore, Asalamalekum Ndakara, Silikoti, La bionda, Appolo, Lofuinto, N'gebru ngebru, Swele ma, Mupepa, BMW, Mayen Benda singa, Salekila sont autant de noms qui ont constellé l'univers de la danse au Congo.
Depuis la fin des années 80, tous les orchestres adoptent la danse à la mode, Kwassa kwassa de Jeanora vulgarisé au plan international par le passage d'Abeti Massikini au Zénith en 1989, Sundawa de J... Swede, Mayeno de l'OK Jazz, Madiaba de Zaïko Langa Langa, Moto, Masassi calculé, Bareko et Tora de Mbuta Rayakuta ont fait danser à tour de rôle les mélomanes des deux rives du Congo. Il convient de signaler que Viva la Musica a toujours évolué en marge de la tendance générale. Il a dès sa création, inventé ses propres danses, véritables marques déposées : Mukonyono, Kuku dindon, Rumba rock frenche, etc...
Le kwasa-kwasa dansé par des non Congolais
Une nouvelle race d'artistes s'affirme depuis quelques années : les créateurs de danses : Jeanora, Mbuta Rayakula, Bemba Shora, Djuna Mumbafu Nuno, etc... inondent à un rythme effréné, les pistes de danse de leurs trouvailles. Conséquence inévitable, les danses ont désormais une durée de vie courte. Actuellement, les mélomanes congolais dansent au pas du Ndombolo. Mais pour combien de temps encore ? En dépit, des offensives répétées de nouvelles danses, la bonne rumba ébréchée régulièrement depuis le boucher, reste indéracinable. Elle structure la musique congolaise. Les plus gros succès populaires de ces derniers temps sont des rumbas : "Ousmane Bagoyoko" de Mayaula, "Point final" de Youlou, "Ngobila" de Koffi, "Makolo ya Massiya" de Carlito.
CongOnline