La pédale wah-wah
La pédale wah-wah
Mbokamosika a déjà fait allusion aux différents instruments qu’utilisent nos artistes. Pour honorer les instruments à vent, hommage a par exemple été rendu aux cuivres et les noms de plusieurs souffleurs dont certains étaient inconnus furent rendus public. Mais jusqu’ici, omission avait été faite sur l’existence d’un tout petit accessoire qui à une certaine époque avait introduit un timbre nouveau dans notre musique : la pédale wah-wah. A l’instar de la guitare hawaïenne utilisée presque exclusivement par Docteur Nico et Depoutrou de Grand Micky de Matadi, nos artistes n’avaient malheureusement pas beaucoup fait usage de cette pédale à effet qui souvent ressemble à une grande agrafeuse. Elle sert de support acoustique pour la guitare électrique (basse ou solo) aussi pour tout instrument électriquement amplifié comme le violon, le saxo avec Miles Davis, le piano avec Duke Ellington voire même la grosse caisse. La wah-wah de la guitare est remarquable par sa sonorité caractéristique et les effets acoustiques commandés par la pédale. C’est un petit appareil électronique qui applique un effet au son émis par un instrument de musique. Elle est placée à même le sol et le guitariste en cas de besoin y pose son pied et l’actionne de bas en haut comme le levier d’une voiture ou comme la pédale d’une machine à coudre. Le son distinctif qui en sort ressemble à une voix humaine qui dit oua oua.
Pédale wha-wha pour guitare
Les origines de la wha-wha
La sourdine wah-wah dite mécanique est une invention des trompettistes et trombonistes de jazz américains qui dans les années 1920 voulaient donner plus d’expression aux cuivres. Ces souffleurs avaient réussi àplacer devant le pavillon de la trompette ou du trombone une ventouse de déboucheur d’évier. Ils variaient aussi le degré de son ouverture pour en modifier le son et ainsi créer l’illusion comme si l’instrument pleurait, couinait, miaulait ou même criait. La wah-wah de la guitare électrique dite électronique fut inventée par hasard en novembre 1966 par Brad Plunkett. Alors qu’il travaillait sur le développement du booster de medium qui équipaient les amplis de la marque Vox, il découvrit un potentiomètre qui lui permit de piloter quelques circuits modifiés, réalisant ainsi les premiers sons oua oua. Au départ, cet ingénieur américain pensait contrôler l’effet avec la tige de vibrato d’une guitare mais la mise au point s’avéra difficile. C’est après avoir installé l’électronique dans le boîtier d’une pédale de volume que la wah-wah prit forme. Le joueur de guitare électrique par excellence à l’avoir constamment utilisée est Jimi Hendrix. Il l’a popularisée et lui a donné ses lettres de noblesse. Cet engin qui s’adapteà toutes les musiques est devenu accidentellement un accessoire de la guitare. Il joue encore aujourd’hui un rôle important dans le rock.
Sourdine wha-wha pour trompette
La wha-wha dans la musique congolaise
Les livres sur la musique congolaise moderne sont presque muets sur l’utilisation de la pédale à effet sonore. On a plus écrit sur les autres instruments que sur l’apport de la wah-wah dans notre chanson. Bien que son passage soit éclair, son impact n’est pas passé inaperçu car elle a laissé des traces indélébiles à travers plusieurs compositions majeures. Elle est introduite vers les années 1973-1974 par l’artiste d’ébène Tabu Ley à la recherche de nouvelles sonorités. Ce levier en vogue en Europe et surtout aux Etats-Unis a permis à l’orchestre International Afrisa de mettre sur le marché du disque des œuvres d’anthologie comme Liloba na litoyi (Mavatiku Visi) Malelisa Moleka, (Mujos Mulamba) ou encoreAon-Aon et Lal’ a by (Tabu Ley). Arrangée par Rochereau, la chansonLal’a by est l’interprétation en kiyanzi de Let it be de Paul McCartney avec les Beatles. Devenu soliste et digne remplaçant d’Attel Mbumba, Michelino Mavatiku était l’homme qui maniait habilement la pédale magique. Il balançait ainsi avec virtuosité ces altérations qui ont apporté un nouveau timbre à notre art en y ajoutant de façon élégante une particularité bien singulière. Dommage que la sourdine wha-wha n’ait jamais été utilisée par nos souffleurs. Quels nouveaux sons auraient alors été introduits dans notre musique si les as des cuivres, les bassistes et les drummers l’avaient placée dans leur instrument de prédilection? Ils nous auraient sûrement balancé des sons merveilleux pour le plaisir de l’oreille. Au début des années 70, la contrebasse céda sa place à la guitare basse. Aujourd’hui, l’utilisation de plusieurs accessoires, supports et instruments comme la guitare hawaïenne (Nico et Depoutrou), la sanza (Antoine Moundanda), le sifflet (Lita Bembo), l’harmonica (Béjos), l’accordéon (Feruzi), le maracas (Izeidi et Gaspy), la cloche (Mambo Ley), le lokolé (Isifi et Viva la Musica), le saxo, la trompette, le trombone (Vévé, Madjesi), l'orgue (Verckys), la guitare à double manche (Manuaku), le piano (Ray Lema) ou même la wah-wah ont depuis bien longtemps disparu du paysage musical de notre pays. Lentement mais sûrement, ils sont tous remplacés par le synthé.
Samuel Malonga
Liloba ya litoyi, par Michelino Mavatiku et l'Afrisa
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