HISTOIRES DU KASAÏ : CONFRONTATION LUBA-TSHOKWE.
HISTOIRES DU KASAÏ : CONFRONTATION LUBA-TSHOKWE.
Nous sommes au 15ème siècle, dans ce qui deviendra plus tard la République Démocratique du Congo d’aujourd’hui, par la volonté de Bismarck et ses copains en 1885. Sur ce territoire vivent plusieurs tribus dans la paix. Bien sûr, pour des raisons qui leur étaient propres, il arrivait que ces tribus se tapent dessus…les guerres étaient souvent dues aux raisons économiques. Par raisons « économiques », nous entendons, pour l’époque, le fait de s’emparer des récoltes du voisin, de lui ravir une plaine où les chenilles étaient abondantes ou un coin de savane où le gibier était florissant. Mais ces affrontements finissaient toujours par trouver une solution. Cette démarche de paix était facilitée par le fait que les mariages d’entente et d’aliénation étaient souvent pratiqués pour garder et renforcer les liens d’amitié. C’est pour cela qu’il est souvent dit au Kasaï, sur le peuple Tshokwe et Pende, qu’ils sont les descendants de Mbuyi, une femme luba. « Mutshoku ne Mu Pende wa Mbuyi »…
Les premières incursions contre ces peuples vinrent de l’est par les arabes, via Tipo-Tipo et Ngongo Lutete et leurs hommes. Ces razzias aboutissaient à la capture des esclaves. Ceux-ci étaient, au départ destinés au marché arabe de Zanzibar. Les armes à feu furent un élément de technologie qui bouleversa les équilibres stratégiques de l’époque.
L’empire Luba, dans son essence, a toujours fonctionné d’une manière fédérale. C'est-à-dire des clans, de taille et de valeurs diverses, qui se reconnaissent une même origine luba vivent dans une autonomie. Mais elles sont liées entre elles par des liens de subordination. Mais chaque chef coutumier a un territoire et des sujets sur lesquels il règne. Il faut dire qu’entre ces chefs, selon leur puissance et leur notoriété, ils se payaient un impôt de subordination. Lorsqu'il s’agissait de faire face à une catastrophe naturelle, comme la destruction des récoltes par des vagues de sauterelles ou une invasion puissante, tous les clans luba se réunissaient en un seul bloc pour faire face. Ceci sous la conduite d'un ou plusieurs grands chefs dominants du moment.
Le Belge, à son arrivée, en trouva quelques uns de renom. De l'époque coloniale belege, nous citerons Lumpungu’a Kahumbu Kamanda chez les Basonge ; Kalamba Mukenge des Bashilanga, chez les Lulua ; Kasonga Mula wa Dineka des bakua Nsumpi et Mutombo Katshi, chef des bakua Kalonji, chez les Luba de Mbuji-Mayi. Le premier grand chef du Kasaï à rencontrer l'homme blanc fut Kalamba Mukenge Tunsele. Il signa avec ceux-ci un traité à travers l'Allemand Von Wissmann. Ainsi la première collaboration du Kasaï avec l'Europe fut allemande. De cette époque date la fondation de la ville de Kananga. Dans le couronnement des chefs Bashilanga, les Kalamba, le casque allemand offert par Von Wissmann est toujours porté par le prince à son intronisation sans oublier le « nsesu », symbole de pouvoir ancestral chez les Luba, toutes tendances confondues.
Le colonisateur eut maille à partir avec tous ces grands chefs. Certains parmi eux connurent des destins tragiques. Ainsi le chef Lumpungu fut exécuté par les Belges. Kasonga Mula fut enlevé par les Belges et disparut jusqu’à ce jour. Ses descendants ont cherché, jusqu'aux années '70, son lieu d'exécution par les Belges ou son cimetière, mais en vain... Le chef Kalamba Tshikomua fut relégué à Bulambemba au Bas-Congo. Seul Mutombo Katshi parvint à cohabiter avec le Belge, mais sans plier…
En ce 15ème siècle, vint s'ajouter une deuxième menace pour les Luba. Les Portugais, qui commerçaient déjà avec les Tshokwe à l'ouest, convainquirent ces derniers de leur fournir des esclaves. Ceci en échange des armes à feu, du sel, du savon etc...C'est ainsi que forts de cette technologie d'armes à feu, les Tshokwe attaquèrent les Luba. Cette attaque fut couronnée d'une grande victoire. Des villages entiers des Luba furent capturés et emmenés en esclavage. Presque tous furent vendus aux négriers Portugais. Ceux-ci embarquèrent leur « marchandise » pour le Brésil...Chez les Baluba, cette défaite porte le nom de « Mutshoku wa mbedi » ou « Mutshoku, acte 1 ».
Après ce désastre, tous les grands chefs luba se réunirent pour analyser les causes de cette défaite si tragique où hommes, femmes et enfants furent pris en captivité. Après avoir tiré les conséquences de ce fiasco, ils mirent en place un système de veille vers les Tshokwe ainsi qu'un service de renseignement. Ensuite, ils envoyèrent une délégation chez Ngongo Lutete pour chercher alliance et armes. On ne se bat pas sans armée. Et une armée doit être bien équipée pour vaincre l'ennemi.
Les Tshokwe reçurent une deuxième commande de leurs amis portugais pour une nouvelle livraison d'esclaves. Fort de leur premier succès, ils organisèrent leur armée et prirent le chemin de la contrée Luba. Mais, cette fois-ci, les Luba ne se firent pas prendre par surprise. Leur service de renseignement fonctionna à merveille. Ils furent prevenus à temps et mobilisèrent leur armée, équipée d'armes à feu. Les Tshokwe tombèrent dans le piège et furent tous décimés et mis en débandade. Il est resté de cette époque une expression en tshiluba: « ni kuponda mu pondelabu mutshoku wa tshia kabidi », je t'écraserai comme fut écrasé le Tshokwe de la deuxième vague. Chez les Luba, cette bataille porte le nom de « Mutshoku wa tshia kabidi » ou « Mutshoku, acte 2 ». Après cette défaite, les Portugais et leurs alliés Tshokwe, ne recommencèrent plus. Ceci car ils avaient compris que de l'autre côté, il y avait une organisation et une armée...
Voici des décennies que nous entendons de la part de certains esprits retors et congénitalement déstructurés des propos sur les Luba et les Lulua. Nous parlons ici de certains Kasaïens mesquins qui utilisent les événements de 1960 pour opposer un même peuple, une même tribu. A ceux qui croient à ce discours, nous leur posons la question de savoir, face au péril tshokwe et portugais, Kalamba Mukenge ou Kalamba Tshikomua, Mutombo Katshi ou Kasonga Mula avaient-ils le « problème » lulua/luba ? Nous demandons à tous d'avoir le réflexe de nos ancêtres qui, face au danger, appliquèrent le principe de « l'union fait la force » pour vaincre le péril qui les menaçait. Et par ces temps actuels, tout le monde connaît ce péril. La création du Congo vient aussi de la volonté du chef Kalamba Mukenge Tunsele, qui accueillit le premier un Européen sur le sol kasaïen. Refuser le complot actuel contre le Congo, sa balkanisation, c'est rester dans la ligne droite de nos ancêtres.
CLAUDE KANGUDIE.
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