27e anniversaire du décès du Dr Nico Kasanda
22 SEPTEMBRE 1985-22 SEPTEMBRE 2012: VOICI 27 ANS QUE Dr NICO KASANDA NOUS A QUITTES
ENTRETIENS A BATONS ROMPUS AVEC IGNACE MUKENDI MBAMBI, MANAGER DE Dr NICO.
Nous sommes en 1989. Je suis dans un train, en direction de Paris. Il y a un monsieur, africain comme moi, qui est assis à mes côtés. Pendant le trajet, mon compagnon de voyage m'informe qu'il est tutsi Ruandais. A mon tour, je lui dis que je suis Congolais. Chose étonnante, je vois ce monsieur se cabrer et me regarder avec extase !!! Et dans une excitation difficile à maitriser, il se mit à me parler de son trésor le plus cher...Il se mit à me citer les chansons, presque toutes, de tous les ténors de la musique congolaise des années '70. Il habitait à Londres. Il me dit que ses disques sont enfermés dans une armoire. Et que même sa femme n'a pas le droit d'ouvrir cette armoire. Enfin, il me posa une question. Celle de savoir, si réellement, ces musiciens étaient bel et bien des humains ? Pour lui, il ne pouvait s'agir que des anges ayant quittés pour un temps le paradis pour venir charmer les humains. C'est ce qu'il me dit. Il ne comprenait pas comment des êtres humains pouvaient produire une telle musique. Nous allons aujourd'hui parler de l'un de ces anges venus charmer les humains...Il s'agit de NICOLAS KASANDA WA MIKALAYI. L'immortel Dr Nico nous a quitté il y a 27 ans pour retourner d'où il était venu, c'est à dire le paradis...
Nous avons choisi de laisser parler Mr Ignace Mukendi sur divers chapitres. Suivons-le selon notre fils conducteur...
Ignace Mukendi Mbambi.
Je m'appelle Mukendi Mbambi Ignace. Je suis né à Mikalayi.Les grands parents de Nico, habitaient en face de chez nous, à Kananga. Je connais toute la famille de Kasanda. Ma mère était une grande amie à la grande soeur de Nico. C'est comme ça que j'étais presque de la famille de Nico. Mais à cette époque, on ne se connaissait presque pas avec Nico...Le papa de Nico est mort très tôt. Et Nico était encore en bas âge. Sa maman est retournée dans sa famille maternelle. Et c'est là que sa grande soeur, qui s'appelait Marie Kanku, a sympathisé avec ma mère et elles sont devenues très amies. Nico, sont à trois: lui Nico (cadet), Marie Kanku et Déchaud Muamba. Tino Baroza est de la famille de Nico, mais du côté de son père. Et les tantes paternelles de Nico sont venues chercher Nico et Déchaud pour les emmener à Kinshasa. C'est à partir de là que Nico se retrouve avec Tshilumba Baroza. Sa soeur Kanku était restée à Kananga.
En 1959, mon père est venu à Kinshasa. C'est ainsi que Nico l'invitera pour lui montrer ses activités. Il invitera donc mon père au bar « Congo bar » où l'African Jazz avait l'habitude de se produire. C'est le premier contact indirect avec Nico, depuis qu'il avait quitté Kananga. Moi, quand je suis venu à Kinshasa, j'ai tenu aussi à découvrir sa famille de Léopoldville. C'était en 1960. A l'époque, Déchaud et Nico habitaient dans la commune de Kinshasa, sur avenue Croix-Rouge et moi sur l'avenue Isangi, dans la commune de Saint Jean, l'actuel Linguala. Il n'y avait que l'avenue Huilerie qui nous séparait.
Origine et connaissance avec Dr Nico.
A ce moment là, Nico était déjà professeur à l'Ecole Technique de Nd'jili. Et c'était une activité qui l'occupait déjà beaucoup. Moi, quand je suis arrivé à Léopldville, je suis allé au collège Albert. Et j'avais un ami qui était correspondant aux journaux de l'époque qui s'appelaient « Courrier d'Afrique » et « Présence Congolaise». Cet ami s'appelait Kambeya. Il était étudiant. Il faisait des rubriques de sport de ces journaux. Il faisait aussi des chroniques de musique. Et c'est lui qui m'a demandé de commenter les chansons des musiciens. C'est ainsi que j'ai fait mes premiers commentaires dans ces journaux pour la chanson de Nico et l'African Jazz, « batela muana na biso »...Et Nico avait remarqué de manière positive ces commentaires. Et nos relations prirent un élan nouveau. Et moi, je me suis occupé, à partir de ce moment là de faire la publicité de Nico. Même lors des concerts, j'ai faisait des prospectus que je faisais distribuer...Donc, je suis devenu manager de Nico tout naturellement.
En fait on dit « Nico Kasanda, Kasanda wa Mikalayi », il est né à Mikalayi. Parfois vous allez lire qu'il est né à Luluabourg Saint Joseph. Luluabourg Saint joseph, on l'appelle Mikalayi car c'est une mission catholique. Mais, sur le plan administratif, on l'appelait Luluabourg Saint Joseph par rapport à Luluabourg Notre Dame..Donc Mikalayi et Luluabourg Saint Joseph, c'est la même chose. Et Malandi, c'était entre Mikalayi et Kananga. Donc avant la capitale administrative était à Malandi avant de venir à Kananga.
Début de Nico chez Opika.
Nico était chanteur. Il a débuté la musique comme chanteur. Opika était un studio d'enregistrement dans les années '50. Opika appartenait à Mr Moussa Benata. Un juif. Donc le patron des éditions Opika était ce monsieur. Nico est entré aux éditions Opika comme chanteur. Mais comme son frère Déchaud jouait à la guitare, Nico jouait déjà avec son frère, chez eux à la maison. Au studio Opika, il y avait deux guitaristes: Déchaud Muamba et Tshilumba dit Tino Baroza. A l'époque, les orchestres de studio étaient composés de deux guitaristes accompagnateurs et d'un saxophoniste. C'est le saxophoniste qui faisait le solo. Et le saxophoniste s'appelait Pierre Hendrix, de nationalité belge. C'est lui qui faisait le solo. Donc le guitariste soliste n'existait pas à l'époque. C'est qui s'est passé est que Tino Baroza qui était guitariste, avait commencé à manquer à certaines répétitions et séances d'enregistrement. Joseph Kabasele est venu avec sa chanson Parafifi pour enregistrement. Quand on fait une chanson, les instrumentistes écoutent et cherchent à composer la musique de ladite chanson. C'est ainsi que Baroza étant absent ce jour-là, Nico se mettra avec les instrumentistes. C'est lui qui a composé la musique de la chanson Parafifi de Kabasele. Donc de ce remplacement, à pied lévé, de Tino Baroza est né une légende, Dr Nico Kasanda, le dieu de la guitare. Donc, c'est Kasanda qui est le créateur du soliste guitare pour la musique congolaise. Et le solo saxophoniste avait perdu sa prépondérance dans ce rôle. C'ainsi que Kasanda arrêtera son rôle de chanteur pour devenir guitariste. Lorsque les musiciens chantent, il y a un refrain. Et après le refrain, Nico a commencé à faire le « sebene ». Le sebene, c'est une animation musicale, et cette animation a commencé dans la chanson Parafifi. Le mot sebene est issu de Nico. Nico était un technicien érudit. Il est parti de l'idée qu'il fallait décomposer le son comme un spectre lumineux d'un prisme. Ceux qui ont fait le bac scientifique comprennent de quoi je parle. Un prisme permet de décomposer la lumière blanche en plusieurs lumières. Et Nico est parti de ce concept pour décomposer le son. Au lieu d'avoir un spectre lumineux, il a créé un spectre sonore: sebene...Donc après le refrain, Nico a introduit une animation musicale, le sebene. Spectra sonora=sebène...
African Jazz à la Table Ronde.
Nous sommes en 1960. La présence de Kabasele et ses compagnons à la Table est à devoir au nationaliste Thomas Kanza. C'est lui qui adressa l'invitation à l'African Jazz. Et Kallé, adjoignit à cette délégation deux musiciens de l'OK Jazz. Il s'agit de Vicky Longomba et de Brazzos. L'african Jazz est donc partie à la Table Ronde. Quand ils sont arrivés à Bruxelles, comme la chanson Parafifi, Kallé Jef a composé la chanson « indépendance cha-cha » et Nico a composé la musique de cette chanson. Et Nico a, aussi, composé la chanson « Table Ronde ». Sur le disque original, c'est le nom de Nico qui est marqué. Mais pour la version qui a été sortie, pour la chanson « Table Ronde », on a mis le nom de Kallé comme compositeur, mais c'est une chanson de Nico. J'ai le disque original de cette chanson. La Table Ronde, c'est une chanson d'anthologie de notre musique...J'ai la copie originale enregistrée, en vinyle sur 45 tours, en Belgique par Dr Nico lors de leur passage à la Table Ronde. Les musiciens font aujourd'hui « les mabanga ». Mais, c'est une habitude qui a existé bien avant. Mais seulement, les choses étaient faites proprement et en respect de la chanson et surtout de manière intelligente. « Indépendance Cha-cha », il y a des mabanga...on y cite tous les leaders politiques représentatifs de l'époque...
Premier éclatement de l'AFRICAN JAZZ.
Quand l'African Jazz est allé à la Table Ronde, l'orchestre était pour tous les nationalistes congolais. Mais Kallé avait des affinités très poussées avec le premier ministre Lumumba. Dans ce cadre, il avait trop engagé l'orchestre pour Lumumba. La position de Nico était que l'orchestre devait soutenir tout le courant nationaliste, sans distinction aucune. Après la Table Ronde, l'orchestre a fait des chansons pour le soutien personnel du premier ministre Lumumba. Et Nico ne partageait pas cette position, parce que l'orchestre était mis à la disposition du gouvernement. Et là dessus , Nico avait dit non...Et il y a eu scission et Nico a créé l'African Jazz, aile Dr Nico. Et l'African Jazz, aile Dr Nico, jouait chez Amuzu. C'est à ce moment là que, pour pallier Kabasele, Nico recrutera Rochereau comme chanteur. Donc, l'arrivée de Rochereau dans l'African Jazz, c'est par Nico et pas par Kabasele qu'elle s'est faite. Rochereau était sécretaire à l'Athénée de Kalina. Il n'était pas musicien. C'est Rochereau qui a donné la chanson « Kelia » à Kabasele. Et Nico savait ça. Il savait que Rochereau avait un fond musical intéressant et qu'il était bon chanteur. Donc le premier orchestre de Rochereau, c'est l'African Jazz, aile Dr Nico. Ils ont joué chez Amuzu, dans la commune de Kinshasa. Donc Rochereau a commencé à chanter sous Nico. Les chansons comme « Chérie starofina », « African Jazz mokili mobimba », Nico et Rochereau jouaient ces titres chez Amuzu, sur avenue Kigoma dans la commune de Kinshasa...Kabasele n'était pas avec eux. Et Kabasele, dans son African Jazz aile Kallé, était resté avec Tino Baroza et Lutula Edo Clary. Nous sommes en 1960-1961. Lumumba est déjà mort. Tous les parlementaires de Kisangani ont fait pression sur Nico pour qu'il se réconcilie avec Kallé. Je peux citer parmi ces parlementaires, les gens comme Kidishio, Mbariko, Badjoko...Tous des sénateurs MNC qui étaient très influents. Et Nico et Kallé se sont réconciliés. C'est donc dans les bagages de l'African Jazz, aile Dr Nico que Rochereau a rejoint l'African Jazz tout court avec Kabasele. Donc à cette réconciliation, Nico et Rochereau sont venus avec leur répertoire. Ce sont les premières chansons de Rochereau avec Kabasele. Donc dans l'African Jazz, aile Dr Nico, il n'y avait que deux chanteurs: Rochereau et Déchaud. Déchaud jouait à la guitare et chantait aussi. Les chansons comme les « kayi kayi » étaient composées dans l'African Jazz, aile Dr Nico et chantées par Tabu et Muamba Déchaud. Il faut savoir qu'à cette époque Nico était aussi professeur à l'école Technique de N'djili. Mais il arrivait à bien cumuler les deux. Il faut savoir qu'à cette époque, les orchestres jouaient de 19h30 à 22h30. Au plus tard à 23h, tous les bars devaient être fermés. Moi, j'étais encore au collège Albert. J'étais avec Nico tout le temps. Donc après les concerts, il me déposait chez moi et rentrait chez lui. C'est ainsi qu'il conciliait son métier de professeur et ses occupations de musicien.
Origine de l'influence de la musique cubaine sur la rumba congolaise.
Le rythme afro cubain est arrivé dans l'African Jazz par l'ambassadeur du Mali au Congo, Mr Alioune Diakite. Celui-ci était un fervent fanatique de l'African Jazz. Alioune Diakite aimait beaucoup la musique cubaine. Il est à la base du voyage que fit l'orchestre en 1962 en Afrique de l'ouest. C'est grâce à son influence qu'il y a eu des titres comme « matanga ya Modibo », « Bayila Vicente » etc...C'est monsieur Alioune Diakite qui a introduit l'influence de la musique cubaine chez African Jazz. Il amenera les chansons de Sonora Matancera, Orquestra Aragon, Kompay Secundo et d'autres à Nico pour introduire la musique cubaine dans le rythme de l'African Jazz. Kasanda travaillera beaucoup la rumba congolaise en y intégrant l'influence de la musique cubaine. Surtout le groupe Sonora Matancera. L'African Jazz commencera à jouer et interpréter la musique cubaine en intro de ses concerts. Ce courant sera suivi par presque tous les orchestres congolais de l'époque qui commencèrent aussi à jouer et interpréter de la musique cubaine. Donc c'est monsieur Alioune Diakité, sans le vouloir, ni le savoir qui fut à l'origine de cet aspect de la musique congolaise.
Deuxième éclatement de l'AFRICAN JAZZ: séparation Nico et Kallé.
Nous sommes en 1962. Nico et Kallé sont partis avec l'African Jazz à Bruxelles faire les enregistrements des chansons des 2 Afrincan Jazz réunis. Au retour, ils passent par Bamako. Avant le retour de l'African Jazz par Bamako, Mujos est venu rejoindre l'African Jazz, en provenance de l'OK Jazz. Au retour de Bamako, la chanteuse Photas a fait son entrée dans l'African Jazz. Nous sommes en 1962-63. Photas avait amené ses chansons. L'orchestre devait entrer en studio, mais Rochereau a eu un accident de voiture sur l'avenue Kigoma. Et Petit Pierre, le batteur a eu une jambe cassée...Suite à cet accident, Rochereau a eu un repos médical. Il y avait un concert qui était programmé chez « Vis-a-vis ». La journée, Kabasele est allé boire dans un bar qu'on appelait ex Bolia, derrière chez Lucie Botayi. Kabasele, quand il buvait comme ça, il ne payait pas. Il signait seulement l'addition. Et le soir, après le concert de l'African Jazz, on venait présenter la note, et celle-ci était payée sur les recettes de l'orchestre. Et ce genre de comportement s'est répété plusieurs fois de la part de Kabasele. Il faut rappeler que c'est Nico qui était chef d'orchestre. Et ce jour là, on ne pouvait pas faire le concert chez « Vis-a-vis » parce que Rochereau étant en repos médical, Kabasele ne s'était pas présenté et en plus on amenait une de ses notes de consommation à payer à Nico...Et Mujos était tout seul comme chanteur. L'African Jazz n'avait pas bien honoré cet engagement...Donc après ce concert, Nico avait trouvé que c'était une fois de trop de la part de Kallé, il ne pouvait plus travailler avec Kabasele. A cette époque, Nico étant chef d'orchestre, l'organisation de la gestion de l'orchestre était la suivante: 1) les musiciens étaient des salariés. Il fallait avant toute chose honorer les salaires des musiciens; 2) payer tous les frais divers de fonctionnement de l'orchestre (instruments, transports etc...); 3) sur le montant restant, la répartition était la suivante: 25% à Joseph Kabasele; 23% à Nicolas Kasanda; 19% à Roger Izeidi et 16% à Pascal Tabu. Mais Kallé, avec ses notes de consommation à payer tout le temps, fragilisait cette organisation ainsi que la vie du groupe...Kabasele venait toujours prendre ses 25%, même s'il n'avait pas joué et honorer ses engagements dans le groupe. Et ce n 'était plus supportable ni acceptable par les autres. Autre point. Kabasele avait deux éditions: Surboum African Jazz et Matanga. A ce moment, Nico s'était mis en indisponibilité pour ses fonctions de professeur qu'il exerçait à l'Ecole Technique de N'djili. Il a, alors, demandé à Kabasele de lui céder une de ses maisons d'édition, Matanga pour qu'il puisse produire ses chansons avec l'African Jazz. Ceci en compensation de sa carrière d'enseignant qu'il avait arrêtée. Mais Kallé ne le fit pas. Autre point, très important. A ce moment là, Joseph Kabasele vivait avec Elisabeth Eboma. Cette femme est issue de l'une des grandes familles de Kisangani. Marcel Derikoyard est de Kisangani. Ce fut un grand ami de Kallé. Il venait souvent chez Kallé. Alors, Derikoyard a piqué Elisabeth Eboma à Kabasele. Il va naitre entre les deux hommes une inimitié très grande. C'est ainsi que, sur le plan financier et matériel, Derikoyard va apporter tout le soutien dont Nico et ses camarades ont besoin. Derikoyard a adopté ce comportement juste pour bien couler son rival Joseph Kabasele auprès de Elisabeth Eboma. Donc voilà les fondements de la séparation entre Kasanda et Kabasele qui ont aboutis à la naissance de l'orchestre African Fiesta...Ainsi Nico était parti avec tous les musiciens. Kabasele était resté seul avec Tshilumba wa Baloji dit Tino Baroza.
African Fiesta Vita.
Nico et les autres quand ils sont partis, ils devraient produire l'African Fiesta sous la marque des éditions Vita. Ils devaient acheter les instruments. C'est ainsi qu'ils ont signé une convention entre eux sur l'argent des concerts et des ventes des disques pour avoir leur maison d'édition et l'achat des instruments. Pour Marcel Derikoyard, qui était rival à Kabasele, cette situation arrangeait ses affaires...C'est ainsi qu'il participera à l'acquisition des instruments de l'African Fiesta. Non seulement ça, il avait le bar Parafifi où l'orchestre pouvait se produire. Et il avait mis son bar à la disposition de Nico et ses camarades de l'African Fiesta. Donc, pour Kabasele, les carottes étaient très bien cuites par Derikoyard...A un moment Nico a voulu quand même voir plus clair en ce qui concernait les éditions Vita. A ce moment là, Roger Izeidi était directeur commercial à l'Ecodis. L'Ecodis, ce sont les éditions congolaises de disques. Ce qui deviendra plus tard Mazadis dépendait de l'Ecodis. Donc tous les contrats des musiciens pour la fabrication des disques étaient sous le nez de Roger, il était au courant de la vie des orchestres et de leurs projets. C'est pour cela que Roger a combiné, et l'Ecodis et la « Maison Bleue », pour faire certains financements. Quand ils ont fait l'African Fiesta Vita, ils étaient à trois: lui Roger, Rochereau et Nico. Mais Roger n'a jamais rendu compte à ses deux associés de l'évolution des financements pour les instruments, ni sur la fabrication et la vente des disques. Donc Roger Izeidi n'a jamais dit, aux autres, combien les instruments ont coûté à l'orchestre et combien il restait à l'orchestre pour les autres. C'est ainsi que, une fois de plus, Nico a dit niet et c'était la fin de l'African Fiesta Vita. Rochereau était d'accord avec Nico et partant aussi.
De la séparation Kasanda avec Tabu ou la fin du mythe Nico et Pascal...
Nico et Rochereau étaient tous deux d'accord pour se séparer de Roger Izeidi. Mais un des accompagnateurs, Faugus Izeidi, était le petit frère à Roger. Il a tout rapporté à son grand frère. C'est ainsi que Roger Izeidi fera tout son forcing pour récupérer Rochereau. Mais dans l'entretemps, ils avaient un répertoire avec des chansons comme « Lili muana ya quartier », « Garba », « Succès la moulée » et d'autres. En fait la séparation de Nico et Rochereau n'est pas due, au départ, d'un problème entre les deux. C'est suite au comportement et à l'attitude de Roger Izeidi qui ne rendait pas compte dans ses attributions. D'ailleurs Rochereau a enregistré, avec les autres, dans leur nouvelle maison d'édition, qui n'était pas Vita. Et Izeidi a été informé de cet enregistrement par son frère Faugus. Donc quand Roger Izeidi récupère Rochereau, ils vont fonder l'African Fiesta National. Et Nico crééra, à son tour, l'African Fiesta Sukisa. Mais la séparation de Kasanda et Tabu est extérieure à leur volonté. Evidemment plus tard, faisant le même métier, il est normal que l'esprit de concurrence et d'émulation s'exerce entre les deux. Mais ça, c'est une autre histoire. Il faut noter que la période de ces deux African Fiesta est l'une des plus exaltantes de notre musique...Les deux ont toujours regretté leur séparation. Par exemple quand Rochereau est allé jouer à Montréal, avec Guvano à la guitare solo...il regrettait le temps de Fiesta Vita avec Nico. Donc, je confirme, Nico et Rochereau, à leur séparation, les chansons que Rochereau a amenées, avaient déjà été travaillées avec Dr Nico...C'est pour cela que dans le nouvel orchestre de Rochereau, celui-ci demandera à son nouveau soliste Guvano de jouer comme Dr Nico. J'ai des preuves, donc j'ai des disques qui ont été enregistrés avec les partitions de Nico...avant sa séparation avec Rochereau. Donc à leur séparation, Rochereau a pris ses chansons qui étaient enregistrées avec Nico et Nico a fait aussi la même chose avec ses chansons qui étaient chantées par Rochereau. Je citerai par exemple Lili muana ya quartier. Ce sont les solos de Nico, mais reproduits par Guvano...Donc Nico et Rochereau n'ont jamais eu des problèmes d'homme. Les polémiques sont venues plus tard, quand ils ont eu chacun son orchestre. D'ailleurs, s'ils ne s'entendaient pas, ils n'auraient jamais enregistré des disques contre les éditions Vita. J'ai ces disques en vinyle. A la séparation, Nico est resté avec une partie de musiciens dont le chanteur Paul. Il s'agit de Paul Mizele. C'est pour cela que dans le nouvel orchestre de Rochereau, celui-ci demandera à son nouveau soliste Guvano de jouer comme Dr Nico.
Nico et l'African Fiesta Sukisa.
Nico, après sa séparation avec Rochereau, se retrouve avec un seul chanteur, Mizele Paul. Mizele a chanté avec Rochereau « Café rio », « Minga Fiesta », « Majolina » etc..mais comme 2ème chanteur.Il n'est pas un chanteur ténor, c'est un chanteur accompagnateur. Il fallait refaire la partie chant. Alors Kwamy Lasitura est venu. Il fallait trouver un chanteur ténor. Mais le problème c'est que Kwamy, comme Mizele est chanteur 2ème voix. Au Congo, à cette époque, les ténors sont Mujos Mulamba, Vicky Longomba, Rochereau et le ténor par excellence Joseph Kabasele. Donc, il fallait à Nico un véritable ténor. Un ténor, c'est un chanteur qui est capable de chanter seul. Regarde Jeannot Bombenga est un bon chanteur 2ème voix. Lui et Boyibanda Michel ne peuvent pas chanter, chacun tout seul une chanson. Ils ont besoin d'un ténor. J'ajouterai à cette liste de ténors Josky, Lessa Lassan, Ntesa, Sam Manguana, Wemba, Evoloko et Dindo Yogo. Par exemple Werra ne peut pas chanter tout seul. C'est un chanteur accompagnateur. S'il chante seul, il va chanter faux à un moment... Pour revenir à l'African Fiesta Sukisa, nous étions pénalisés par ce manque de chanteur ténor. C'est ainsi que les premiers enregistrements, il faut le reconnaître, n'étaient pas réussis. Et ceci malgré la présence de Mizele et de Kwamy. Cette situation a duré au moins un an. Malgré les efforts et les publicités, nous n'étions pas bons côté chant. Nous avons pataugé. Le niveau et la qualité sont arrivés avec Chantal Kazadi. Chantal est l'un des ténors par excellence de notre musique. Le premier concert que nous avons fait avec Chantal, c'était au Parc de la Révolution. A l'époque, le Zaïre monnaie avait une pièce jaune (couleur du cuivre). Aujourd'hui cette pièce serait l'équivalent de 20 euro. C'est cette pièce qui était la valeur du droit d'entrée. Et, tenez-vous bien, nous avons eu, pour ce concert, deux tonneaux pleins de ces pièces !!! L'entrée de Chantal, on l'avait tenue secrète, on voulait surprendre tout le monde. Mais les « ngembo » sont souvent dehors. Chantal était parmi les ngembo de Nico. Il chantait très bien et fournissait des chansons. Il composait aussi beaucoup. C'est ainsi qu'il est venu avec la chanson « Bougie ya motema », « Yaka toyambana », « Saouda ». C'est la première série. Chantal est un chanteur ténor qui a une particularité. Normalement, les chanteurs suivent les instrumentistes. Mais avec Chantal, ce sont les instrumentistes qui doivent le suivre. C'est ainsi que c'est un chanteur libre et il improvise beaucoup. Et pour l'accompgner, c'est très difficile car il est libre. Les autres peuvent aussi chanter en ténor libre. Mais ils chantent faux et hors gamme. C'était la spécialité de Chantal seul. C'est Nico qui a introduit la musique folklorique dans la rumba moderne. Par exemple les titres « Kamulangu » et « Biantondi Kasanda »...
Rencontre et début de Chantal Kazadi.
Chantal était un ngembo, c'est à dire un fanatique qui suivait l'orchestre et assistait à ses concerts et ses répétitions. Et la plupart des jeunes fanatiques de Nico ont beaucoup fait l'éloge de Chantal en tant que chanteur. Donc, on l'a fait venir pour un test. Et celui-ci a été concluant, et on l'a engagé. Et à sa sortie, on a fait une des recettes historiques de l'orchestre, au Parc de la Révolution. C'est avec les chansons de Chantal que Nico a introduit le likembe ou xylophone dans la rumba congolaise, c'est à dire qu'il a réussi à reproduire le likembe sur sa guitare. Donc la guitare likembe a commencé avec la chanson « Bougie ya motema ou mipende ya milangi » de Chantal. Donc le jeu de la guitare avec des sons étouffés a été introduit par Dr Nico à partir de cette chanson. A ce moment là, le disque le plus vendu était « mipende ya milangi ». Nous étions montés jusqu'à 600.000 exemplaires. Ces disques étaient pressés au Nigeria et au Kenya. A ce moment la popularité de Nico, en Afrique, avait beaucoup augmenté. Les Africains ne comprenaient pas le lingala. Mais ils comprenaient bien la guitare likembe de Nico. Donc après ce premier répertoire, Chantal a fait un deuxième répertoire avec des titres comme « Zadyo » et autres.
Rencontre et début de Sangana.
Au deuxième répertoire de Chantal, nous avons fait venir Sangana. Sangana est un très compositeur. Il fournissait des chansons à Rochereau. Le vrai nom de Sangana, c'est Valentin Kutu Kabengele. Comme Rochereau avait donné sa chanson Kelia à Kallé, Sangana donnait aussi des chansons à Rochereau. Donc, nous nous sommes dits que comme il est un bon compositeur, nous le prenons. C'est ainsi qu'il est venu chez nous comme chanteur 2ème voix. C'est la série des titres comme « Marie Nella », « Kanshita » etc...
Séparation Nico-Chantal
Je dois dire ici qu'il y a eu un problème sérieux dans le groupe. Nous avions un orchestre de notre obédience à Matadi. Cet orchestre était comme notre cadet. Certains musiciens de l'African Fiesta Sukisa sont issus de cet orchestre, par exemple Zorro, le bassiste. Il y avait aussi Decantogno qui était conseiller de Nico. Nous avions à faire une tournée en Afrique. Nous avons commencé par Brazzaville. Nous avons joué chez Fégnan. Il y avait un monde fou. Brazzaville est un des fiefs de l'African Fiesta Sukisa. Aujourd'hui, les archives les plus fiables sur Dr Nico et l'African Fiesta Sukisa sont à Brazzaville et non à Kinshasa. Nous avons constaté un esprit d'indiscipline élevé et caractérisé de la part de 5 musiciens, dont Paul Mizele, Zorro et le batteur Armandos. Lors d'une réunion, j'ai demandé à ce que ces musiciens soit purement et simplement révoqués. Chose qui a été acceptée. A cette réunion, en dehors de moi, il y avait Nico, Déchaud et Decantogno. Et deux jours après cette décision, nous avons enregistré les chansons comme « Nakeyi Abidjan » et autres, sans ces 5 musiciens, et c'était très bien. Et, on avait les moyens de s'occuper de tous ceux qui étaient restés comme les Sangana, Apôtre...Cette décision avait comme but d'enlever la zizanie dans le groupe. Alors que Nico avait approuvé la révocation de ces musiciens, il ne les a pas révoqués...Donc le ver est resté dans le fruit et il a continué à pourrir ce fruit. Chez nous, quand une femme se méconduit, il faut la jeter dehors. Et je n'étais pas d'accord avec Nico sur cette attitude. Donc cette bande des 5 est restée dans le groupe. Chantal était aussi un jeune à ce moment là. Entre eux, ils ont développé cette zizanie jusqu'à convaincre Chantal de leurs vues. C'est ainsi qu'ils partiront tous pour aller fonder leur orchestre, African Soul. Donc tous les musiciens étaient partis, Nico et Déchaud sont restés tout seuls.
Tragique Fin Zadyo Chantal
Après leur départ de chez Nico, Chantal avec ses copains fondèrent l'orchestre African Soul. Mais il faut savoir que Chantal disposait d'un groupe de soutien très fort et très riche. La plupart de fanatiques de Nico, l'étaient aussi pour Kazadi. Chantal, n'avait presque pas besoin de son salaire de musicien pour vivre...C'est ainsi qu'une aile de ses supporteurs du Kasaï voulait que le fils du pays aille faire une tournée dans la contrée de ses ancêtres. Mais malheureusement, Chantal ne pouvait pas savoir quelles étaient les fréquentations et les agissements des uns et des autres. C'est ainsi qu'il fut trouvé en compagnie des personnes qui étaient recherchées pour des vols à mains armées. Il fut arrêté avec ces personnes. Mais Nico ou moi même, nous n'avions pas une perception allant dans le sens que Chantal risquait sa vie. Donc Nico estimait qu'il n'avait pas à faire quoi que ce soit. On a transféré Chantal à Kinshasa. Mais le dossier de Chantal a été corsé par un général de l'armée congolaise pour une histoire de femme. Si ma mémoire est bonne, il s'agit de Masiala. Il se disait que Chantal était sorti avec sa femme. A l'arrivée de Chantal à Kinshasa, nous recevions ses informations par des gens qui travaillaient dans les circuits parallèles pour la sécurité du régime de Mobutu. C'est à ce moment là que nous avons saisi le danger, mais il était trop tard. C'est donc ce général qui a pesé de tout son poids dans ce dossier, conduisant ainsi ce jeune prodige de la musique congolaise à la mort.
Naissance de MUTUASHI:
Le « mutuashi » n'existe pas comme tel...Le terme mutuashi est un dérivé kinois de « mutua's ». Mutuashi est un mot vulgaire issu de « mutua's », « muendela's ». On dit que Tshiala Muana, reine de « mutuashi », est-ce qu'on comprend ce que ça veut dire ? Voici l'origine de ce courant. Les gens à l'origine sont les Mukanda Lambert, Baylon Freddy, Kalala Evariste, le premier président de la cour suprême qui venait de Lubumbashi. Il y a aussi Tshimbalanga Jean-Pierre. C'étaient des gens très friqués, des amis au chef Katomba. C'était un groupe très puissant, même Franco les a chanté. Ce sont ces gens qui, quand ils dansaient aux concerts de l'African Fiesta, lançaient les cris de « mutua's »... « muendela's ». Parallèlement à ce groupe, il y avait les femmes de l'African Fiesta. Ce sont Kapinga, Mbombo, Beya Nzubu, Marie-José Mondeke etc...Ce sont ces femmes qui animaient les concerts aux cris de « eeeeh Biantondi eeeh yoyo we...biantondi Kasanda ». Au départ, ce n'était que des animations. Donc Rochereau et Nico ont fait la jonction entre les animations du groupe de Katomba et du groupe de femmes de l'African Fiesta...c'est comme ça qu'est n'est né cette chanson et le fameux « mutua's » devenu plus tard « mutuashi »...Vous remarquerez que cette chanson n'a qu'une phrase, c'était une animation de nos supporteurs et supportrices.
Arrivée de Lessa Lassan et de Josky Kiambukuta...
Chantal Kazadi vient de partir avec presque tous les musiciens de l'orchestre. Il fallait récomposer l'orchestre. C'est là que Lessa Lassan et Serpent ont fait leur entrée dans l'African Fiesta Sukisa. Donc là l'orchestre a repris et il a remonté la pente avec des titres comme « Béa okeyi wapi ? ». Nous avions notre équipe de ngembo. Il faut savoir que être ngembo à cette époque n'est pas péjoratif. Ce sont eux qui constituent le service de renseignement de l'orchestre, sa première ceinture de vie et son cerle de rayonnement. Un jour, nous avions concert chez « Vis-à-vis ». Et les ngembo m'interpellent à l'extérieur: « Vieux yaka nanu awa. Tozali na masolo. Problème tozali nango awa ezali Lassan alingi te Josky akota na orchestre. Bazalaki na Josky. Natumini ye Josky soki alingi akota na orchestre, mpe andimi». Alors j'ai dit à Kiambukuta de venir le lendemain à 9h, à Limete. Et il est venu. C'est moi qui ai engagé Josky dans l'African Fiesta Sukisa et je lui ai fait un contrat. L'arrivée de Kiambukuta a encore beauoup renforcé l'orchestre. Souvenez-vous de la série des titres comme « Ka mu nganzi ko » etc... Il faut souligner qu'en tant que ténor, Josky était fort apprécié de Joseph Kabasele.
Nico et ses fans.
L'African Fiesta Sukisa jouait en ces années-là chez maître Taureau, Ngombe. Parmi les indéfectibles fanatiques de Nico, il y a de grandes dames d'honneur. Nous citerons la première fut Mme Antoinette Mobutu suivi de Mme Lihau. Vraiment, ces femmes étaient des inconditionnelles de Nico. Mme Mobutu a beaucoup aidé Nico. Mais elle l'a beaucoup fait par le canal de maître Taureau. Celui-ci en profitera et cherchera à avoir de l'influence sur les musiciens. C'est sous l'instigation de maître Taureau que Josky va quitter Nico et il va fonder, avec d'autres, l'orchestre Continental. J'ai pu faire revenir à Nico, Sagana et Mujos. Aujourd'hui, notre musique est partout en Afrique de l'ouest et en Afrique de l'est. Nos musiciens d'aujourd'hui se vantent du succès qu'ils ont dans ces parties d'Afrique. Mais c'est Kasanda wa Mikalayi qui a été le précurseur principal de notre musique vers ces pays. Nico et son orchestre n'étaient plus à présenter en Côte d'Ivoire, au Sierra-Leone, en Gambie, au Sénégal, en Tanzanie, au Kenya, au Mali, au Gabon etc...Et cela dans les années 1970.
Nico avec les maisons Fonior et Sonodisc.
Aux côtés de Nico, j'avais la décision, la gestion et la négociation des contrats. Je le faisais en toute indépendance et en toute confiance. Tous les contrats signés avec les maison Fonior et Sonodisc, c'est moi qui les ai négociés. Par exemple, la maison Fonior devait à Kasanda, en 1970, 500.000 francs belges. La maison Sonodisc, nous lui avons donné beucoup de nos chansons et Sonodisc nous devait beaucoup. Sonodisc nous devait des millions... Mais cette société ne nous a jamais payé un centime. Ceci aussi parce que, de notre côté, nous n'avons pas été efficace pour récupérer cet argent. Ce point est une grande déception pour moi.
Famille et vie sentimentale de Nico Kasanda.
Nico a eu quelques problèmes au niveau de sa famille. Il s'est séparé d'avec sa première femme. Il avait eu, avec celle-ci, 5 enfants. Trois filles et deux garçons. L'aîné des garçons est ingénieur pont&chaussée à l'Académie Royale belge et l'autre est ingénieur agronome et professeur assistant au Campus de Kinshasa. Et aucun de ses enfants n'est musicien de carrière.
C'est vrai que Nico a eu beaucoup de femmes comme tous les musiciens. Mais il avait un certain sens de sa famille. Dans ce monde de la musique, on est sous l'emprise du paramètre femme. Il fallait voir aussi quelle genre de femmes !!! Il faut seulement savoir bien gérer ce paramètre. Nico a eu beaucoup d'ennemis. Les plus implacables furent les Sakombi. Nous sommes en 1962. Il y a une fille de la famille Sakombi. Elle étudiait à Saint Pierre. Franchement, une très, très belle fille. Nico a rendu grosse cette fille. Et depuis ce fut une guerre implacable avec les Sakombi. Il y avait un Sakombi à la justice et un autre, à l'information. Ce sont eux qui ont mis un embargo sur la musique de Nico. Que ce soit à la radio, la télévision, les manifestations officielles. Mobutu ne contrôlait pas...Si Mobutu demande qu'on lui fasse venir Nico, on lui dit que Nico est en voyage ou absent de Kinshasa et on lui présente l'OK Jazz. Lui, il donne son feu vert. Ce n'était pas lui qui faisait la discrimination. La soeur aux Sakombi qui a eu un enfant avec Nico Kasanda s'appelait Moseka....Mais c'était vraiment une belle femme, une véritable fée et sirène de beauté. En dehors de Moseka, je crois que Nico a eu 2 ou 3 enfants hors mariage. Quand il a divorcé de sa première femme, il s'est rémarié. Mais ces tentatives n'avaient pas vraiment réussies comme son premier mariage.
Nico et ses inimitiés politiques.
C'est vrai qu'avec Mobutu, les choses étaient justes courtoises, il n'y avait pas d'euphorie. Kasanda ne voulant pas faire des flatteries à Mobutu. Nico ne voulait pas déjà être à disposition de Lumumba uniquement. Il ne voyait pas pourquoi il devait offrir à Mobutu ce qu'il avait refusé à Lumumba, c'est à dire être à son service. Du reste, il était du camp nationaliste. Ce qui n'était pas le cas de Mobutu. Nico ne pouvait pas flatter, ni être soudoyé. Il avait beaucoup de dignité. Nico n'a jamais chanté les « votez vert » etc...c'est pour cela que le pouvoir ne pouvait pas le favoriser.
Déchaud de la Mongala, pierre angulaire du rythme African Fiesta...
Déchaud Muamba est la pierre angulaire du rythme African Jazz et African Fiesta. de De deux frères, c'est lui qui fut le premier guitariste. Déchaud et Nico étaient arrivés à un niveau de complicité musicale jamais égalée. Une longue expérience commune faisait d'eux les guitaristes les plus complices de la musique congolaise. Leur entente était tellement parfaite et leur communication musicale était riche de cette longue complicité. Ils savaient et sentaient quand l'un d'eux se trompait ou allait le faire. Et dans la plupart de chansons, c'est Déchaud de la Mongala qui entrait en premier et Nico suivait après...par exemple dans « aya oohh ayolela ». Déchaud était, avec Tino Baroza, les guitaristes du studio d'enregistrement Opika. A la deuxième séparation de Kabasele avec Nico, Tino Baroza est resté avec Kallé. C'est lui qui joue le solo dans la chanson « Simba nga makasi ». C'est un titre de Tino Baroza. La relation familiale entre Nico, Déchaud et Tino Baroza a toujours bien fonctionné entre eux, malgré les aléas musicaux. D'ailleurs le petit frère de Tino Baroza, Diki, jouait avec Bovic la partie « en levée des rideaux » des concerts de l'African Fiesta.
Nico et Franco, des frères ennemis ?
Nico et Franco n'étaient pas ennemis. Ce n'était pas le même niveau. Franco connaissait la force de Nico. Ils se respectaient. Moi, pas un autre, Franco m'a déjà parlé de la supériorité de Kasanda...Le bar Parafifi est un bar à deux niveaux. Un jour j'étais avec Luambo. Il me dit ceci: « soki nayebaki kobeta guitare lokola Kasanda, mbele ngayi na betaka nga moko likolo na Parafifi, ba musiciens mosusu na nse ». Pour dire: « si je maitrisais la guitare comme Nico, je jouerai seul au premier niveau du bar Parafifi et le reste des musiciens serait au niveau inférieur du bar ». Mais Franco ne pouvait pas le dire sur tous les toits. D'ailleurs en 1963/64, ils ont joué ensemble. C'était au « Congo Bar », à la « Place Rouge ». Il y avait Vicky, Kwamy. Nico a joué, ce jour là, tout le répertoire de Luambo et l'inverse ne se fit pas...Nico avait-il des fétiches ??? NON. Il n'y croyait pas. Il croyait en la valeur du travail bien fait. Les histoires sur les mauvais sorts que Franco lui auraient jétés, il en entendait parler. Mais il n'y accordait pas plus d'importance. Rochereau a fait allusion à ces histoires. Mais il faut savoir que Kasanda était une force de la nature. Nico et Franco ne se fréquentaient pas. Mais ils n'étaient pas non plus chien et chat. Kasanda était de nature paisible.
Promesses et projets à venir sur Dr Nico et son oeuvre.
En mémoire du docteur Nico Kasanda, le dieu de la guitare, toute son oeuvre sera remastorisée prochainement. Les supports numériques ou CD de sa musique seront produits et mis à la disposition de ses nombreux fanatiques. Ce ne seraient pas des remake. Ce sera la musique de Dr Nico faite à partir de ses enregistrements originaux, donc les vinyles, depuis Opika jusqu'à l'African Fiesta Sukisa. On trouvera sur ces CD des oeuvres de Nico inédites, c'est à dire qui n'ont pas été sorties. Il y a aura aussi un travail d'écriture sur Kasanda qui sera publié.
Mot de la fin...
Parafifi...le passage du rôle de soliste, dans la musique congolaise et africaine, du saxophone à la guitare...Spectra sonora. Ceci sous l'inspiration d'un guitariste de génie, Nicolas Kasanda, Dr Nico dit le dieu de la guitare. De ce coup de maître sont nés des dizaines de guitaristes solistes émérites. Sur les pas de l'ainé Kasanda Nicolas, un guitariste toutes et hors catégories de tous les temps. Nico nalela ? Petit lela...
Entretiens réalisés par CLAUDE KANGUDIE.
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